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›› Taiwan

Puissance nationaliste chinoise et désarroi démocratique taïwanais

Le 18 octobre, à l’ouverture du Congrès, le président Xi Jinping n’a pas éludé la question de Taïwan. Le sujet est d’autant plus préoccupant pour le régime chinois que depuis 2016, l’Île est dirigée par la mouvance politique confortablement élue, articulée au rejet de la réunification et, sinon à la déclaration d’indépendance, du moins à l’éloignement stratégique et culturel.

Dans son adresse, le Président est sans surprise revenu à l’affichage rassurant exprimant la volonté du Parti de rattacher l’Île à la Chine par des moyens pacifiques, selon le schéma pourtant rejeté par les Taïwanais « d’un pays deux systèmes ».

Rappelant que la condition de relations apaisées avec les partis politiques de l’Île était la reconnaissance par eux de l’appartenance de Taïwan à la Chine, il a renouvelé la volonté du parti de développer des contacts de tous ordres, y compris politiques, insistant sur les liens « familiaux » et « de sang » entre les deux peuples.

Mais quand il en est venu à évoquer la réaction chinoise aux tendances centrifuges, portant le risque d’une séparation politique, il a, sous les applaudissements, haussé le ton pour reprendre les termes de son discours délivré le 1er août à l’occasion du 90e anniversaire de la création de l’APL.

« Nous défendrons résolument la souveraineté nationale comme notre intégrité territoriale et ne tolèrerons ni ne répéterons plus jamais la tragédie d’un pays partagé. Tous les citoyens chinois se dresseront pour rejeter les activités visant à diviser la mère-patrie, quelles qu’elles soient. Nous avons la volonté, la confiance et les moyens de vaincre n’importe quel complot de sécession et d’indépendance de Taïwan. A aucun moment nous ne laisserons une personne, une organisation ou un parti politique amputer une parcelle du territoire national, sous quelque forme que ce soit. »

La fermeté de la formulation énumérant les conditions sans appel d’une réaction chinoise, réveillait la détermination intransigeante de « loi anti-sécession » promulguée en 2005 en riposte au « Taiwan Relation Act » des Américains. Elle aussi stipulait qu’il n’existait aucune circonstance, aucune forme, aucune appellation pouvant justifier une déclaration d’indépendance de l’Île et prévenait que, dans cette éventualité, la Chine userait en représailles de « moyens non pacifiques ».

La réunification, partie de la renaissance nationale.

Enfin, en homme attaché à l’unité de sa vision, affirmant ainsi une nécessité menaçante pour les Taiwanais jaloux des particularités séparées de l’Île, le Président a relié la réunification à son grand projet de renaissance de la Nation chinoise laissant entendre, sans le dire, qu’une Chine divisée ne serait jamais une grande Nation.

Comme le souligne le commentaire de Richard Bush de la Brookings, il est manifeste que la réunification fait partie de l’ambitieux projet de restauration de la puissance chinoise nourri par Xi Jinping : « Nous croyons fermement », a t-il dit, « que si, ensemble, avec les filles et les fils de la Chine, y compris nos compatriotes de Taiwan, Hong Kong et Macao, nous tenons dans nos mains la destinée de la Nation, nous parviendrons à construire le bel avenir de la renaissance de la Chine ».

Ce discours très nationaliste qui n’a pas fixé d’échéance à la réunion des deux rives, ne dit cependant rien de neuf. Le projet de réunification, éventuellement par la force, est aussi vieux que la République populaire.

Mais, inscrite dans le rêve volontariste d’une renaissance nationale à un horizon visible, tenant à distance les valeurs démocratiques dont la société et la classe politique de l’Île se réclament pour se distinguer du Continent, la vision du Président chinois porte, par la puissance qu’elle exprime et le mépris désinvolte des choix électoraux des Taiwanais un potentiel d’ébranlement de la sérénité des élites taïwanaises.

La Bataille de Pékin contre « l’indépendance larvée ».

Comme le dit Alan Blomberg dans une étude de la Brookings, il serait excessif de penser que les discours du n°1 Chinois annoncent une prochaine reconquête militaire de l’Île. Mais du moins peut-on constater que le Continent rappelle à tous, sur les deux rives du Détroit et à chaque responsable politique de la planète, non seulement que l’objectif de réunification reste inchangé, mais aussi que la perpétuation de l’actuelle situation de « statuquo » serait intolérable, puisqu’en réalité, il consolide une séparation de fait.

Si le président chinois n’aborde pas la question de front, les intellectuels chinois ne s’en privent pas. En juin, l’Université de la défense nationale publiait un papier signé Lai Chin-hung proposant une échéance à 30 ans pour le retour de Taïwan au Continent, ajoutant que la réunification était une nécessité de la « grande renaissance de la Nation chinoise ».

Le 13 août, le Global Times, sous la plume de Zhou Zhihuai, répétait l’exigence d’une échéance pour le retour de l’Île que, lui aussi, liait à la renaissance de la Nation. Il ajoutait que si Pékin pouvait être patient dès lors que Taipei reconnaissait l’appartenance de l’Île au Continent, il le serait moins si Taïwan augmentait ses “provocations“ « qui obligeraient la Chine à “accélérer “ le processus de réunification, indissociable de la renaissance ».

Blomberg écrit que, pour le parti communiste chinois arrivé à la conclusion que Tsai Ing-wen n’adhèrera jamais au « consensus d’une seule Chine », les « provocations » évoquées par Zhou dans le Global Times concernent les efforts de Taipei pour se détacher culturellement du Continent. Pour Pékin ces signes sont nombreux et irritants.

Parmi les plus sensibles, les intellectuels chinois notent la révision des livres d’histoire présentant la trajectoire chinoise en Asie du Nord-est séparée de celle de l’Île ; l’oubli de la déclaration du Caire prévoyant le retour de Taïwan au Continent après la défaite du Japon ; et la promotion des langues et des cultures indigènes de Formose. Autant d’initiatives concourant toutes à la « dé-sinisation » de l’Île et à son identification comme une entité séparée.

Sur le Continent les stratèges estiment que cette stratégie, identifiée comme « une trajectoire d’indépendance larvée », doit être combattue avec la même fermeté que s’il s’agissait d’une déclaration formelle d’indépendance.

Désarroi à Taïwan.

A Taïwan, la classe politique est divisée et donne parfois des signes de désarroi. Toujours sous le coup d’une longue série de représailles dont la plus grave, durement ressentie, fut la rupture des relations officielles avec le Continent, le gouvernement se prépare à d’autres « grignotages » humiliants de sa marge manœuvre diplomatique en représailles du refus de l’exécutif de s’aligner sur la vision unitaire de Pékin.

Alors que le pouvoir politique chinois affiche une impressionnante cohésion, Tsai Ing-wen affaiblie par les aléas démocratiques peine à trouver une riposte aux pressions du Continent.

Avec un taux d’audience favorable dans les sondages tombé à 24% en août et, plus grave, une nette désaffection de ses jeunes électeurs de 20 à 29 ans, alors qu’en général l’opinion exprime le souci d’apaiser les tensions dans le Détroit, la Présidente, avait, après la défection de Panama, menacé de modifier sa vision du statuquo.


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