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›› Taiwan

Puissance nationaliste chinoise et désarroi démocratique taïwanais

Faiblesse stratégique de Tsai Ing-wen.

Mal à l’aise chez elle avec des sondages en berne, la Présidente cherche en effet une respiration internationale en imaginant de bousculer la donne stratégique par un rapprochement avec le Japon et grâce à sa proximité avec les États-Unis, protecteur ultime de l’Île par le truchement du « Taiwan Relations Act ». Sur la « tentation japonaise » de Tsai Ing-wen, lire à la 2e page de l’article de QC Coups de boutoir méthodiques de Pékin contre l’Île. Le Panama quitte le navire taïwanais. : « L’option japonaise, une hypothèse périlleuse ».

Il reste que la manœuvre de Tsai est elle-même contrainte pas la complexité des liens obligés que Tokyo et Washington nourrissent avec Pékin, sans compter que, sur l’Île, peu de responsables politiques sont prêts à bousculer encore plus les relations dans le Détroit.

Il est vrai que Washington a d’abord exprimé un soutien marqué à Tsai par plusieurs canaux et signaux sous l’œil attentif et critique de Pékin. Les plus importants furent les déclarations de soutien de James Mattis, et Rex Tillerson secrétaires d’État à la défense et aux Affaires étrangères à quoi s’ajouta la visite à Taipei en juin dernier du secrétaire d’État adjoint aux Affaires étrangères en charge de Taïwan et de la Chine à Washington.

Récemment, le Congrès a même évoqué la très sensible éventualité – pour l’heure très peu probable – d’une escale d’une navire de guerre américain à Taïwan, avec la variante d’un exercice de ravitaillement de navires de guerres américains dans les eaux de l’Île. En même temps, la Maison Blanche adressait pour approbation aux députés son projet de vendre à l’Île pour 1,4 Mds de $ d’équipements militaires. Il reste que Washington refuse toujours d’accéder à la demande taïwanaise de livrer des chasseurs F-35, dont le symbole est jugé trop agressif par l’administration américaine.

A toutes ces initiatives, Cui Tiankai l’ambassadeur chinois à Washington a réagi avec aigreur, accusant les États-Unis de violer l’accord des « trois communiqués » et de porter atteinte à la souveraineté de la Chine et à ses intérêts vitaux.

Surtout, s’élevant au niveau stratégique régional, il a asséné un argument auquel l’actuelle Maison Blanche engagée dans un affrontement martial avec Pyongyang qui semble sans issue, ne peut pas être insensible : « d’un côté les États-Unis exigent de la Chine qu’elle coopère sur la question coréenne, tandis que de l’autre, ils persistent à prendre des initiatives qui menacent ses intérêts ».

Ce rappel de l’interconnexion des questions stratégiques dès lors qu’on traite à la fois de Taïwan et de la Corée deux sujets ultra-sensibles pour Pékin, a probablement incité le Directeur l’Institut américain à Taïwan James Moriarty à laisser entendre dans une déclaration annonçant la visite dans l’Île d’un haut responsable américain, que les « efforts de souplesse et de créativité de Taïwan à l’égard de Pékin n’étaient pas suffisants ».

Au total, Blomberg note qu’obligée d’accepter la situation, Tsai se prépare à de nouvelles défections diplomatiques en expliquant que les relations plus substantielles des bureaux de représentation économique et commerciale sont plus importantes que les relations officielles avec les ambassades.

Il reste que, dans un contexte où Pékin ne relâchera pas sa pression, la plupart des experts sont pessimistes estimant que, même la nomination au poste de premier ministre, de Lai Ching-te, réputé plus amical avec la Chine, n’apaisera pas les tensions exclusivement tributaires du refus de Tsai de céder aux injonctions unitaires du Parti Communiste.

Le KMT objet de la vigilance de Pékin.

Pour autant, les difficultés du DPP au pouvoir n’ont pas produit un basculement de l’opinion en faveur du KMT, lui aussi aux prises avec les pressions de la Chine nostalgique des rapprochements spectaculaires de l’accord cadre initié par Ma Ying-jeou et l’alignement sans condition à Pékin de l’ancienne et éphémère présidente du Parti, Hung Hsiu-chu (mars 2016 – Juin 2017).

Depuis sont élection en août 2017 à la présidence du KMT après le cuisant échec du parti aux élections présidentielles et législatives de 2016, Wu Den-yi, 69 ans, vétéran de la politique, tente la quadrature du cercle de rassurer Pékin et en même temps l’électorat de l’Île inquiet d’une trop grande proximité avec le Continent.

Taïwanais de souche, né à Taichung, ancien vice-président et premier ministre, sous Ma Ying-jeou, (2009 – 2016), il fut aussi maire de Kaohsiung (1990 – 1998) et avait déjà assumé le secrétariat général (2007 – 2009) du Parti de Tchang Kai-chek.

Après sa prise de fonction, ayant en ligne de mire le prochain scrutin local de 2018 et les présidentielles de 2020, Wu a abandonné les professions de foi pro-Pékin de l’ancienne présidente Hung, dont la plus sensible était « Une Chine, une seule interprétation - 中 同 表- », pour revenir à celles de Ma Ying-jeou qui firent son succès avant que l’opinion ne s’alarme de sa trop grande proximité avec Pékin : « Une seule Chine deux interprétations – 中 各表 - » accompagnée par la politique des « trois “NON“- 三不 - » : « Non à la réunification, Non à l’indépendance, Non à l’usage de la force ».

Mais, signe que les temps ont changé, la référence à Ma Ying-jeou ne suffit plus à rassurer Pékin. Blomberg note à ce sujet que, même si l’affirmation d’une seule Chine et le rejet de l’indépendance sont inscrits dans la plateforme politique du KMT, plusieurs fois répétée par Wu lors de ses discours, sur le Continent, quelques intellectuels craignent que sa loyauté à la « Grande Chine ne soit pas absolue ».

Ayant en tête le virage radicalement indépendantiste de l’ancien président Lee Teng-hui, devenu à Pékin le symbole de l’hypocrisie politique à la « peau bleue et aux squelette vert – 蓝 皮 l绿 骨 - », cette très méfiante mouvance continentale, nostalgique de la soumission sans complexe de Hung, conseille de tenir Wu à longueur de gaffe .

Pour Blomberg, les signes de ce scepticisme circonspect de Pékin ne manquent pas. Dans sa lettre de félicitations envoyée avec retard, à l’occasion de l’élection de Wu à la tête du KMT, le Président Xi Jinping s’adressant à lui s’est contenté du familier « ni - 你 - » au lieu de la respectueuse formule protocolaire « nin - 您 - » ; auparavant, les commentateurs autorisés à Pékin avaient noté le peu de cas que Wu, l’œil rivé sur l’électorat de l’Île, avait fait de la rencontre en Chine entre Xi Jinping et Hung Hsiu-chu en novembre 2016.

La dure réalité que le Parti Communiste chinois fait semblant d’ignorer, est que sur l’Île, l’allégeance sans condition de Hung à Pékin n’est pas recevable, non seulement au sein même du KMT au-delà de quelques radicaux, mais également par la vaste majorité de l’électorat.

*

Là se situe probablement le principal schisme idéologique et politique entre les deux rives, avec d’un côté le Parti-État qui vient d’inscrire dans sa constitution les « caractéristiques chinoises » rejetant la pertinence du multipartisme et des « valeurs » démocratiques et, de l’autre, la scène politique de l’Île agitée par les débats ouverts et contradictoires d’un système d’élections libres, source unique de la légitimité du pouvoir.

En enfermant sa vision des relations dans le Détroit dans la conception rigide d’allégeance inconditionnelle de l’Île au Parti Communiste, ignorant le vote des électeurs et l’idée des « deux interprétations », Pékin prend le risque d’endommager le dernier canal de contact politique encore opérationnel avec le KMT qui, pourtant reconnaît l’unicité de la Chine et a maintes fois réaffirmé sa reconnaissance du « consensus de 1992 ».


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