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Raidissement marxiste de Xi Jinping. Quand la propagande se heurte aux réalités

Secousse boursière, chute de la monnaie et rupture avec l’Occident.

Alors que l’immobilier et ses industries afférentes en amont et en aval représentent une part démesurée (entre 25 et 30%) du PNB, étroitement liée aux industries de base et à la performance de croissance des gouvernements locaux qui se finançaient sur la spéculation et la vente aux enchères aux développeurs de terrains à construire, les effets collatéraux économiques et politiques de la crise sont importants.

L’urgence de lutter contre l’assèchement des liquidités a conduit la Banque de Chine à prendre des mesures contraires à la plupart des banques centrales. Alors que ces derniers rehaussent leur taux d’intérêt pour contrôler l’inflation, Pékin les maintient à un bas niveau bas pour tenter de relancer son économie en réduisant la pression de l’échéance des dettes.

Enfin, très peu commentée par les médias, après avoir tardé à dévoiler les derniers chiffres de la croissance, finalement publiés à +3,9% pour le dernier trimestre (juillet – septembre), l’exécutif vient de faciliter le rachat d’actions pour stabiliser les marchés et réagir à la mauvaise image donnée par la chute des indices boursiers depuis janvier à Shanghai (-16,6%), Shenzhen (-22,7%) et Hang Seng de Hong Kong (-30,42%).

Du 14 au 20 octobre, un total de 76 sociétés publiques cotées sur les marchés boursiers de Chine continentale ont publié des annonces de rachat d’actions fermement suggérés par l’exécutif. Il s’agit notamment de Great Wall Motor (jusqu’à 40 millions d’actions pour 1,8 milliard de yuans/248,41 millions de dollars) et Focus Media (pour des actions d’une valeur maximale de 800 millions de yuans/110,40 millions de dollars).

Une situation similaire se joue à Hong Kong : le 24 octobre, le montant cumulé des rachats impliquant 202 sociétés cotées à Hong Kong cette année a atteint 75,36 milliards de dollars HK (9,59 milliards de dollars).

La situation des marchés mal à l’aise après le durcissement du pouvoir à Pékin autour de la garde rapprochée de Xi Jinping qui fait le choix de la sécurité au détriment de l’économie, reste précaire. A Hong Kong, le 24, les cours ont chuté de 6% à leur plus bas niveau depuis 13 ans. Sur le Continent le recul était de 3%, malgré les pressions des pouvoirs publics pour freiner les tendances à la vente.

Les frilosités des marchés financiers réagissent aux déclarations abruptes de Xi Jinping affirmant que le gouvernement s’assurera désormais que les bénéfices seront d’abord dirigés vers ceux qui travaillent pour les gagner, critiquant implicitement ceux qui s’enrichissent en investissant en bourse. Ce qui fait dire à J-P Cabestan depuis Hong Kong que « le retour au marxisme léninisme est plus profond que beaucoup ne l’avaient cru ».

Dernier indice d’un repliement stratégique chinois à l’écart des marchés occidentaux, il semble qu’au lieu de le soutenir comme elle l’a fait récemment (lire : Excédent commercial, taux de change du Yuan et modèle de développement), la Banque de Chine laisse filer le Yuan. Le 25 octobre, son taux de change par rapport au Dollar américain était à sa valeur la plus basse depuis quinze ans. Depuis janvier 2022, le Renminbi a perdu 15% par rapport à la monnaie américaine.

Succès et contradictions de la « dé-dollarisation ».

L’information sur la faiblesse du Yuan doit être mise en perspective avec celle que la monnaie chinoise gagne du terrain sur le terrain alternatif des marchés non occidentaux. Après plus de 13 années d’effort, le Yuan représente désormais près de la moitié des règlements transfrontaliers en devises nationales et étrangères de la Chine, tandis que les gouvernements et entreprises globales hors Occident qui échangent avec la Chine, en viennent de plus en plus à le considérer comme une alternative au dollar américain.

La stratégie « dé-dollarisation » date de 2015, après les sanctions occidentales contre la Russie à la suite de l’annexion de la Crimée par le Kremlin. Les entreprises chinoises et russes ont discrètement continué à échanger.

Un article de Foreign Policy du 21 septembre dernier expliquait que la stratégie n’était pas seulement mise en œuvre par l’exécutif chinois, mais aussi par les gouvernements locaux des province frontalières avec la Russie. Un exemple est « l’Alliance financière sino-russe », déjà vieille de sept années.

Lancée en octobre 2015, par la Harbin Bank de Chine et la Sberbank de Russie (la plus grande banque d’épargne de Russie en termes d’actifs) elle s’affichait comme une « Organisation de coopération financière transfrontalière à but non lucratif », comptant 35 membres russes et chinois (banques chinoises petites et moyennes, compagnies d’assurance et sociétés d’investissement) et 17 institutions russes.

Alors qu’au printemps 2022, la part combinée de l’Euro et du $ dans les transactions internationales étaient encore de 76%, contre 3% pour le Yuan chinois, l’objectif principal de l’Alliance était d’établir « un mécanisme efficace pour soutenir le commerce sino-russe, faciliter une coopération financière bilatérale globale et promouvoir l’utilisation des monnaies locales dans les règlements bilatéraux. »

Le concept, symboliquement relié à celui des « Nouvelles routes de la soie », avait été désigné par Sun Yao, Vice-gouverneur du Heilongjiang, comme « une plateforme importante pour promouvoir le « développement du corridor économique Chine - Mongolie - Russie ».

L’Alliance financière sino-russe rappelle qu’en 2013, la Banque Centrale européenne et la Banque de Chine avaient déjà établi conjointement un mécanisme monétaire « Swap » qui fixait pour une durée de trois années renouvelables – le dernier renouvellement a eu lieu en octobre 2022 jusqu’en 2025 – un mécanisme d’échange de devises plafonné à 350 Mds de Yuan (45 Mds d’€).

Du point de vue de la Banque Centrale européenne, l’arrangement sert de mécanisme de soutien pour faire face à d’éventuelles « pénuries soudaines et temporaires » de liquidités en Renminbi dans les banques chinoises de la zone euro, à la suite de perturbations sur le marché du Yuan. Les accords d’apport de liquidités contribuent à la stabilité financière mondiale. L’arrangement avec la PBC est cohérent avec les volumes importants d’échanges et d’investissements bilatéraux entre la zone euro et la Chine. Fin 2021 le volume global d’échanges UE – Chine était de 695 Mds d’€ (source Eurostat) avec un surplus global à l’avantage de la Chine de 248,9 Mds de €.

En arrière-plan reste la contradiction chinoise que le statut de monnaie réserve globale visé par Pékin restera hors de portée tant que le Yuan ne sera pas librement convertible, un pas que, pour l’instant, aujourd’hui moins que jamais, le Parti communiste chinois se refuse à franchir.


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