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Raidissement marxiste de Xi Jinping. Quand la propagande se heurte aux réalités

Les effets pervers des brutales mises aux normes politiques.

Le coup ainsi porté à l’esprit d’innovation et aux élans d’entreprise qu’il est dangereux de tenter de brider par une chape politique, concerne tout particulièrement le secteur des semi-conducteurs, au cœur même de la féroce bataille sino-américaine. Alors que Washington vient encore d’augmenter ses pressions sur l’industrie chinoise des « puces », l’offensive de Washington touche un domaine en pleine effervescence piqué au vif.

Alors que Xi Jinping a récemment reconnu sa dépendance technologique, l’avenir dira si les entreprises du Continent auxquelles Pékin a dédié 1400 Mds de $ d’ici 2025, réussiront à rattraper leur retard face au Taïwanais TSMC, n°1 mondial [1] et principal pourvoyeur du marché chinois.

Autre conséquence de l’idéologie de rupture à l’origine des sanctions ayant frappé Didi Chuxing, aux États-Unis, nombre de sociétés chinoises qui ne se conforment pas à l’obligation de transparence de leurs données financières, sont dans le collimateur des régulateurs boursiers américains. A ce sujet, la contradiction entre l’intention d’assainissement affichée et l’impression donnée par la réticence idéologique à la transparence pourtant clé de la santé des transactions boursières est totale.

Alors qu’il est clair que Pékin lutte contre l’opacité de « la finance grise », son blocage idéologique anti-transparence par défiance à l’Amérique, nourrit le soupçon que Parti encourage le blanchiment d’argent sale.

Plus encore, l’utilisation politique de l’outil des banques publiques comme adjuvant à la croissance, les obligeant à accorder des prêts à faible taux, y compris à des PME ou des géants en difficultés non solvables, a, durant les deux mandats de Xi Jinping, produit une accumulation de dettes non recouvrables dont le volume a quintuplé entre 2012 et 2022, passant de 600 à 3000 Mds de $.

L’état du système financier criblé de dettes fait douter de la promesse de Xi Jinping énoncée le 16 octobre : « Nous renforcerons les systèmes qui préservent la stabilité financière, placerons tous les types d’activités financières sous une réglementation stricte… et veillerons à ce qu’aucun risque systémique ne se produise. »

*

Précisément, la secousse d’Evergrande à l’automne 2021, pointe émergée d’un secteur immobilier dominé par de sérieux dysfonctionnements pouvant impacter la stabilité d’une société où les particuliers investissent massivement dans l’achat d’appartements, a révélé les ramifications toxiques d’un système financier mal régulé, étroitement enchevêtré à l’immobilier. Lire : « Evergrande », le spectre d’un effet domino.

Dès 2019, conscient des risques de prêts immobiliers débridés, le pouvoir a tenté de freiner les dérives. Trop tard. La vaste nébuleuse des promoteurs surendettés menacés de faillite a obligé la banque centrale sur injonction du Premier Ministre Li Keqiang à ordonner aux six banques publiques de dégager un soutien financier d’au moins 100 Mds de Yuan (13 à 14 Mds de $ US), au profit des banques locales et des promoteurs.

La tendance s’est poursuivie en 2022 avec, en juin 2022, une hausse de 20,13% des prêts improductifs de la Banque de Chine au secteur immobilier.

La vérité est qu’au cours de ses deux mandats précédents, Xi Jinping et ses experts économiques n’ont pas réussi à corriger les mauvaises pratiques comptables des acteurs économiques – entreprises et administrations provinciales – qui, dans le fonctionnement centralisé de l’économie ont toujours eu l’assurance qu’en cas de faillite ou d’endettement excessif ils seraient renfloués par les finances publiques.

Au total, les pratiques d’investissements sans contrôle rigoureux des comptes ont abouti à placer la Chine en tête des pays responsables de l’endettement mondial dont le FMI explique qu’il a atteint un niveau jamais égalé en temps de paix à 164 000 Mds de $.

L’ironie est que le marasme de l’immobilier provient en partie d’une brutalité politique pétrie des bonnes intentions de Xi Jinping, dont la communication répétée depuis 2016 « les appartements sont un moyen de se loger et non pas de spéculer - 房子是用来住的, 不是用来炒的 » à la fois vertueuse, mais effrayante a provoqué la défiance des investisseurs soudain confrontés à une incertitude du marché.

La croissance et l’emploi des jeunes sacrifiés à l’idéologie du contrôle.

Comme dans le secteur numérique touché de plein fouet par la répression des exubérances, la secousse qui s’est traduite par une crise de liquidités, a été le prix à payer des efforts de mises aux normes de Xi Jinping pour freiner l’emballement de la dette immobilière.

Tout indique en effet que le Président a fait le choix de sacrifier les fortunes des plus grands promoteurs dans le but d’assainir le secteur. Il est également clair qu’il souhaite réduire la dépendance économique du pays à l’immobilier.

Il reste que la charge brutale ayant eu un impact sur la croissance et l’emploi, sa promesse du 16 octobre d’accélérer la constitution d’un marché des appartements neufs répondant à la fois aux projets locatifs des investisseurs et à la demande de logements à prix abordables 我们将加快建设住房体系 鼓励租房和购房 paraît à la fois une contradiction et un vœu pieux.

Plus généralement, compliquant encore le financement de nouveaux projets, le freinage économique et la défiance ont impacté les comptes des petits prêteurs locaux, tels que les banques commerciales rurales, où, selon la Commission de régulation des banques et des assurances, les créances toxiques ont plus que doublé depuis 2012.

En juillet dernier, quatre établissements financiers du Henan ont été incapables de restituer les dépôts à leurs clients, obligeant les pouvoirs publics à intervenir pour rembourser les clients, tandis que les enquêtes mettaient à jour que les défauts étaient dus à des collectes de fonds illégales. Lire : Désordres bancaires, crise immobilière sur fond de corruption. Avis de coup de tabac socio-économique. Le mois suivant deux banques rurales du Liaoning se déclaraient en faillite.

Note(s) :

[1Taïwan fabrique 65% des semi-conducteurs du monde et près de 90% des puces avancées. En comparaison, la Chine produit un peu plus de 5% tandis que les États-Unis en produisent environ 10%. La Corée du Sud, le Japon et les Pays-Bas sont les autres sources des micro-processeurs, cœur indispensable de la haute technologie moderne.

Bien que la Chine produise certains semi-conducteurs, elle dépend fortement des approvisionnements de Taïwan pour les puces avancées. TSMC (Taïwan Semiconductor Manufacturing Company) fabrique la plupart des puces de haute valeur ajoutée de la planète et compte « Advanced Micro Devices », « Apple » et Nvidia parmi ses clients.

La vérité est sans l’apport de la technologie américaine, les modèles chinois « commencent au bas de l’échelle », avec une finesse de gravure de seulement 45 nm (nanomètre) – performance déjà atteinte par Intel en 2006 -, alors que les produits de pointe visent aujourd’hui des finesses de 5 nm, comme le « Snapdragon 875 » fabriqué par TSMC sur le marché depuis 2021. Samsung, Qualcomm, Apple ne sont pas loin avec des performances de 7 nm, tandis que TSMC et Samsung travaillent sur une puce de 2 nm.

Même s’il est vrai que les progrès des procédés de fabrication réduiront les délais de rattrapage, il est très peu probable que les nouvelles puces de Huawei se rapprochent des produits de pointe des constructeurs taïwanais et coréens avant au mieux 2025.

D’autant que, dans la tempête qui réduit les bénéfices, les investissements nécessaires sont importants et que Huanwei cherche en même temps à développer un système d’exploitation alternatif à Androïd baptisé « Harmony OS », pour lequel il a déjà investi 1 milliard de $.

Compte tenu des sommes en jeu, « Le pari est audacieux » écrivait Romain Vitt dans un article de Phonandroïd du 5 mars 2020. Il ajoutait : « Par le passé, d’autres géants comme Windows Phone, Tizen, BlackBerry OS ont tenté une incursion sur le marché des systèmes d’exploitation mobiles. Tous ont échoué. ». Lire à ce sujet nos deux analyses : L’impitoyable guerre des microprocesseurs. (Suite) et Guerre totale contre Huawei. Les intérêts américains en Chine menacés. Sévère discorde entre Pékin et Washington.


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