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›› Politique intérieure

Répressions internes et coercitions internationales

L’impitoyable répression des dissidents politiques.

Le 10 avril dernier, les avocats des droits civiques Xu Zhiyong 许志永 (50 ans), docteur en droit professeur à l’Université des postes et télécommunications de Pékin et un des signataires de la « Charte 08 » en 2010, et son collègue Ding Jiaxi (56 ans), juriste, ont été condamnés à 14 et 12 ans de prison, pour « subversion du pouvoir de l’État » par un tribunal du district de Linshu au Shandong dont les audiences ont eu lieu à huis clos.

Ils avaient été arrêtés en 2019 alors qu’ils participaient à une réunion d’une vingtaine d’avocats à Xiamen sur le futur des droits civiques en Chine dans le cadre du « Mouvement des nouveaux citoyens 公民运动 ». Depuis, ils étaient en résidence surveillée secrète privés d’avocats et de visites de leurs familles. Leurs proches soupçonnent qu’ils ont été torturés.

La veille de son procès, Xu avait publié un long manifeste intitulé « Perdre la liberté pour défendre la liberté - 为了自由而失去自由 », dont les premières phrases étaient :

« Alors que vous m’accusez de menacer le pouvoir de l’État, les soi-disant faits criminels qui me sont reprochés sont : avoir défendu des mouvements de citoyens, avoir écrit le manifeste “Une belle Chine 美好中国“, avoir échangé des idées non violentes et avoir rassemblé des citoyens.  » (…)

« Je n’ai aucune intention de me défendre, car ce n’est pas votre jugement mais la volonté du Ciel 天的意志 qui déterminera quand la Chine et les Chinois seront libres. Cependant, l’aube approche, et pour le meilleur avenir de la Chine, il est nécessaire d’expliquer à nouveau le mouvement civique 公民运动. Suivait un manifeste reprenant un texte écrit en avril 2022 qu’il avait signé « le Citoyen Xu Zhiyong ».

Se référant aux anciennes sagesses de la Chine pré-impériale, l’argumentaire corrigeait la vision idéalisée par l’appareil de l’histoire de la Chine et du Parti, rappelait les brutalités révolutionnaires de l’idéologie communiste importée et ses occultations des grands tumultes du grand bond en avant et de la révolution culturelle.

La critique des évolutions politiques totalitaires sous Xi Jinping est sans appel. « Dans les années 1980, il a été question de séparer le Parti et le gouvernement. Mais aujourd’hui, le Parti contrôle toujours tout - l’économie, l’entreprise privée, les écoles primaires et secondaires, le football, les églises et les temples, le Yin et le Yang et tout sous le soleil. »

Après avoir souligné la catastrophe d’une Chine isolée assez souvent perçue à l’extérieur comme une menace, et la puissance de la vérité dont les ferments nourrissent les changements à venir vers « La belle Chine  » qu’il appelle de ses vœux, la conclusion au ton messianique anticipe une prise de pouvoir des « citoyens  » pour des solutions politiques capables, par le respect du droit et de la constitution de réconcilier le présent et la longue histoire du pays.

« Quand ce jour viendra, quand les gens descendront dans la rue, ce sont les citoyens qui ouvriront la voie. Nous saurons résoudre les tensions ethniques et les griefs historiques. Comment sortir des crises économiques, comment redonner confiance et espoir aux gens, comment panser les blessures de l’histoire. » (...)

La vérité et la justice sont de notre côté. Nous connaissons l’avenir de la Chine. Elle est dans le constitutionnalisme scientifique, qui permettra la renaissance de notre civilisation et d’une belle Chine. Nous sommes prêts. »

La répression méthodique bat aussi son plein contre les manifestants de la fin novembre 2022 qui, dans une quinzaine de villes de Chine, se rassemblèrent pour demander la fin des tests et des confinements répétés. Certains décriaient la censure et, d’autres plus rares, exigeaient de plus grandes libertés politiques. Lire : De la toute puissance à la crise politique. L’itinéraire de l’affaiblissement de Xi Jinping.

À Shanghai, les manifestants avaient même appelé à la démission de Xi Jinping. Renvoyant à la banderole déployée par Peng Lifa le 13 octobre (lire : La nébuleuse disparate des opposants à Xi Jinping), il s’agissait d’un défi politique envers un dirigeant dont nombre d’observateurs notaient pourtant qu’il était le plus puissant et le plus autoritaire du pays depuis des décennies.

Alors que l’ingénieur Peng Lifa a disparu, la répression contre les manifestants de la fin novembre qui, comme Xu Zhiyong, demandent la démission de Xi Jinping n’a pas de cesse.

Près de six mois après les protestations de la fin novembre 2022, qui par endroits contestèrent le pouvoir de Xi Jinping et du Parti, les sympathisants ou même les journalistes qui ne firent que documenter le mouvement aujourd’hui apparemment éteint, sont toujours l’objet de harcèlements politiques.

Considérés comme des « fauteurs de troubles » et identifiés par les caméras à reconnaissance faciale ou des témoins, ils sont activement recherchés par la police. Leurs parents reçoivent la visite d’agents de la sécurité. Quand ils ne coopèrent pas, leurs comptes en banque sont gelés. Assez souvent, il arrive que l’appareil cherche à les poursuivre même quand ils sont à l’étranger.

Plusieurs médias dont le Daily Telegraph et le Washington Post racontent l’histoire de Li Ying, artiste peintre de 30 ans vivant en Italie depuis 2015. il est le créateur d’un blog documentant les affres du confinement en Chine, puis, pour échapper à la censure chinoise qui l’avait bloqué plus d’une cinquantaine de fois, d’un compte Twitter vu par des centaines de milliers de « followers ».

C’est alors qu’il constata que ses comptes bancaires avaient été bloqués en Chine. En même temps, il apprenait que ses parents avaient reçu la visite de la police et qu’ils recevaient un appel du commissariat chaque fois qu’il envoyait un « tweet ».

Dilatation des représailles à l’étranger.

En réalité, la tendance à élargir les intimidations hors des frontières n’a fait que s’accélérer ces dernières années. Le plus souvent les cibles sont les activistes qui, depuis l’étranger, dénoncent la répression contre les Ouïghour, les Tibétains et les dissidents politiques. Même les non-chinois sont visés.

L’un des cas les plus significatifs concerne la journaliste néerlandaise Marije Vlaskam qui fut correspondante du journal De Volkskrant à Pékin de 2001 à 2019, dont nombre d’articles critiquaient la Chine sur des sujets sensibles.

Récemment, le Parti a tenté de l’impliquer dans un soi-disant projet d’attentat contre l’ambassade de Chine à La Haye avec le dissident Wang Jingyu qu’elle soutient.

L’accusation assez grossière s’inscrivait dans une tension diplomatique latente entre La Haye et Pékin. A l’étage au-dessus qui recoupe la course globale aux hautes technologies, a surgi l’accusation par les services secrets néerlandais que Pékin tentait de contourner l’embargo américain par des opérations d’espionnage ciblant les microprocesseurs, la technologie quantique et celles des industries aérospatiale et maritime.

Mais aujourd’hui en Europe, c’est la petite Lituanie qui concentre les foudres de Pékin à propos de ses relations avec Taïwan.


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