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›› Politique intérieure

Retour de flammes académique. Mise aux normes universitaire et contradictions marxistes

La contradiction marxiste du capitalisme d’État.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, le 28 mars, on apprenait qu’un autre professeur de Qinghua, Lü Jia 吕 嘉, de la section des études marxistes obligatoires était lui aussi sous le coup d’une investigation interne lancée par des élèves adeptes du marxisme le plus radical.

L’épisode signalé par Supchina qui cible un professeur, pourtant relais de la propagande marxiste du régime, révèle un inquiétant dérapage.

Précisément provoqué par les excès de centralisme dénoncé par Xu, il rappelle l’idéologie maoïste rigide et féroce des « gardes rouges » - 红卫兵 hong weibing - de la révolution culturelle dont la susceptibilité dogmatique extrême attisée par la surenchère du fanatisme maoïste, avait précipité nombre de professeurs chinois dans un cycle souvent mortel d’humiliations publiques.

Dans le pamphlet accusateur du professeur Lü, encouragés par la promotion officielle de Karl Marx à laquelle se livre Xi Jinping, les Maoïstes radicaux de Qinghua qui semblent remettre à l’honneur la lutte des classes abandonnée en 1978 par le parti qui y voyait un ferment de division sociale, usèrent du vocabulaire sectaire, agressif et méprisant des 红卫兵 vouant aux gémonies les moindres déviations du dogme.

Ainsi le professeur Lü fut il accusé d’être une « vache démoniaque » et d’avoir « un esprit de serpent » - 牛鬼蛇神 – niu gui she shen -, insultes empruntées à Du Mu (803 – 852) poète de la dynastie Tang qui les utilisa dans la préface d’un recueil de poésies de Li He (791 – 817) pour faire l’éloge des éléments chamaniques de ses poèmes.

Mao, admirateur de Li He, mort à 26 ans et connu pour ses écarts sexuels et son intempérance alcoolique, reprit ces termes pour désigner les réactionnaires et les ennemis de classe.

Par ces ignominies, les étudiants victimes de l’endoctrinement politique du régime voulurent signifier à leur professeur qu’il déviait de la stricte orthodoxie marxiste. Inutile de dire que, surpris par cette escalade doctrinaire et exaltée qu’il a lui-même déclenchée, mais dont il ne mesurait pas la virulence, le Parti n’apprécie guère ces débordements de surenchère idéologique sectaire rappelant les heures sombres du Maoïsme.

L’idéalisme marxiste et la norme politique.

Appliqué à normaliser la société par un discours qui emprunte autant au Marxisme qu’aux anciennes pensées chinoises, non seulement confucianistes, mais on l’a vu, au courant légiste répressif, l’appareil s’accommode d’autant plus mal des enthousiasmes révolutionnaires des jeunes étudiants que ces derniers sont aussi animés de sincères aversions contre les exubérances inégalitaires du capitalisme d’État, offensant les dogmes communistes pourtant portés aux nues par le régime.

La contradiction politique, consubstantielle de l’ouverture économique reste une constante de la Chine moderne. Elle offusque les radicaux. En mai 2018, célébrant le 200e anniversaire de Marx, Xi Jinping le glorifia comme le « plus grand penseur des temps modernes », orientant la feuille de route du parti vers « une société idéale, sans oppression ni exploitation ».

Mais dit Rana Mitter, professeur d’histoire de la Chine à Oxford, « l’objection des jeunes marxistes de la nouvelle gauche radicale est que la Chine communiste de nom, est en réalité capitaliste. Pour eux, les inégalités, la pollution, et la corruption, sont la conséquence de cette anomalie ».

Ces tensions politiques, en partie provoquées par le développement très rapide du pays, sont à la racine de la répression contre les jeunes marxistes. Le 24 août 2018, 50 jeunes activistes furent arrêtés et mis au secret. Ils s’étaient regroupés à Jasic Technologies à Shenzhen, fabricant de machines à souder, pour protester contre le harcèlement par la police d’ouvriers manifestant contre leurs bas salaires et les conditions de travail très dures.

Le mouvement qui se nourrit d’une prise de conscience par les jeunes idéalistes des écarts entre leurs conditions privilégiées et le sort des travailleurs, s’est dilaté ailleurs en Chine.

D’autres étudiants de Qinghua et l’Université du peuple ont été coupés de leurs familles. La plupart ont été relâchés, mais certains activistes ont disparu. Une psychose s’est emparée des campus, attisée par des kidnappings d’étudiants, dénoncés par des lettres publiques ouvertes.


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