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›› Chronique

Scandales de dopage chez les nageurs et effervescence nationaliste des réseaux sociaux

Au milieu d’une atmosphère de suspicion qui agaça les athlètes chinois, la plus violente controverse fut lancée par l’entraîneur australien Brett Hawke. Il déclara que le nouveau record du monde de 46’ 40’’, établi le 31 juillet sur 100 m nage libre par Pan Zhanle, 20 ans (photo), était « humainement impossible ». La remarque déclencha une violente effervescence nationaliste sur les réseaux sociaux.


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Alors qu’à la rédaction de cette note, la Chine en tête du palmarès devant les États-Unis et la France, totalisait 41 médailles dont 18 d’or, la rivalité sino-américaine et plus largement les aigreurs chinoises à l’égard de l’Occident se sont invitées aux JO de Paris sous la forme d’une vaste polémique accusant les nageurs chinois de dopage.

Sur un fond de tableau marqué par d’insistants soupçons de dopage et la mauvaise humeur des nageurs chinois se plaignant d’avoir été testés trois fois plus souvent que les autres, la tension s’est enflammée depuis la Chambre des représentants des États-Unis.

Le 30 juillet, au milieu des controverses un groupe bipartisan de députés soutenu par plusieurs Sénateurs proposait une loi autorisant Washington à cesser de financer l’Agence mondiale de contrôle antidopage s’il s’avérait que son indépendance n’était plus garantie.

Le précèdent de Tokyo.

L’affaire remonte à 2020, quand plusieurs nageuses et nageurs chinoises testés positifs à une substance stéroïde anabolisante par l’agence chinoise ont été innocentées au prétexte qu’il s’agissait d’une ingestion involontaire lors de la consommation de hamburgers dans un restaurant de Pékin. C’était la troisième fois que le contrôle anti-dopage chinois invoquait ce prétexte d’une prise accidentelle pour disculper des athlètes.

Par la suite, malgré le scepticisme de plusieurs experts internationaux du contrôle des substances interdites, les nageurs contrôlés positif avaient quand même été sélectionnées dans l’équipe olympique des Jeux de Tokyo. Pour conforter auprès des instances mondiales sa thèse d’une contamination fortuite, le contrôle antidopage chinois souligna que « seules des traces de stéroïdes avaient été détectées ».

Mais les critiques considérèrent l’incident comme le dernier en date d’une tendance de la Chine à fermer les yeux chaque fois qu’un ou plusieurs de ses nageurs sont testés positifs à une substance prohibée. Plus généralement, la séquence fut analysée comme la preuve du manque d’indépendance des structures antidopage mondiales censées faire appel quand les instances de contrôle nationales font défaut.

Mauvaise humeur des athlètes chinois.

A Paris, au lendemain de la cérémonie d’ouverture des JO, la nageuse Zhang Yufei, 26 ans, une des athlètes contrôlés positif il y a quatre ans et malgré tout sélectionnée pour Tokyo où elle décrocha deux médailles d’or au 200 m papillon et au relais 4 fois 200 m nage libre, aujourd’hui membre de l’équipe chinoise aux JO de Paris où elle a remporté deux médailles de bronze sur 100 et 200 m papillon, avait donné une interview en mandarin à un journal chinois.

Décrivant sa déception au milieu des polémiques, elle répéta les arguments que les autorités chinoises et celles de l’Agence mondiale anti-dopage clament depuis des mois.

En substance, les tests positifs à la trimétazidine, stimulant contre l’hypoxie et stabilisant cardiaque étaient le résultat d’une contamination alimentaire attribuée à une cuisine d’hôtel, raison pour laquelle elle n’avait pas été sanctionnée par les contrôleurs chinois dont les conclusions avaient été reprises par l’Agence mondiale.

Elle ajouta que l’effervescence suscitée par cette affaire avait modifié ses relations avec les concurrents d’autres pays. Elles et ses coéquipières qui se sentaient incomprises, avaient été plongées dans une très injuste atmosphère de suspicion.

Son amertume n’était pas feinte. « Avant que le scandale n’éclate, je m’entendais très bien avec les concurrents d’autres pays. Maintenant, à ces Jeux olympiques, j’ai vraiment peur que mes bons amis me regardent différemment. » (…) « Et je crains encore plus que le public français pense que les athlètes chinois ne méritent pas de concourir. »

Nationalisme anti-occidental des réseaux sociaux.

Quelques jours plus tard, l’atmosphère très délétère de suspicion pesant sur les nageurs chinois impacta directement deux autres athlètes.

Wang Shun, 30 ans, champion olympique sur 200 m 4 nages à Tokyo, lui aussi disculpé après un test positif en 2020, et ayant remporté trois médailles de bronze à Paris (100 et 200 m papillon et relais 4x100 m nage libre) a également été contraint de nier avec véhémence avoir jamais triché.

Mais la plus pernicieuse controverse a éclaté quand le commentateur et entraîneur australien Brett Hawke déclara que le nouveau record du monde de 46’’ 40 établi le 31 juillet sur 100 m par Pan Zhanle, 20 ans, qui battait ainsi son propre record de 46’’ 80 établi en février dernier à Doha, était « humainement impossible ».

En réponse, les médias et les réseaux sociaux ulcérés sont aussitôt montés aux créneaux pour défendre les couleurs chinoises et la performance de Pan. Au passage, ce dernier a déclaré qu’entre mai et juillet, il avait été testé 21 fois, tandis que plus de 700 000 internautes célébraient son record comme « une revanche sur les occidentaux arrogants. »

Un autre message se lança dans une longue apologie de Pan et des athlètes chinois confrontés au harcèlement d’incessants tests anti-dopage.

« Il faut imaginer à quel point cela a été dur pour l’équipe de natation face aux rumeurs, aux discriminations et à l’isolement, soumise à de multiples contrôles antidopage en une seule journée » (…) « Décrocher la médaille d’or fut vraiment un soulagement ; face à la puissance absolue de Pan, tout le reste était dérisoire. »

« À 19 ans, Pan Zhanle s’est distingué et a ouvert la voie, mettant fin à la longue domination nageurs européens et américains sur 100 mètres nage libre masculin. Un moment de grande fierté pour beaucoup d’entre nous ! »

Un autre a ajouté. « Toutes nos félicitations ! Merci d’avoir maintenu vos efforts pendant une période difficile pour l’équipe chinoise de natation » (…) « Face au doute et à l’injustice, vous avez ouvertement affronté les Occidentaux sans faiblir, utilisant au mieux vos capacités pour leur infliger ce camouflet. »

Mise à jour le 5 août.

Le 5 août au matin, les internautes chinois ont laissé exploser leur joie en apprenant que la veille, l’équipe de natation chinoise du 4 x 100 m quatre nages avait mis fin à la domination américaine qui datait des JO de Moscou en 1980. Cette fois encore la victoire chinoise doit beaucoup à Pan Zhanle.

Le 4 août dans la soirée, lors du dernier relais en nage libre, il a en effet battu son propre record du monde, nageant la distance en 45’’ 92, soit près demi-seconde de mieux que la performance qu’il avait établie lors de la finale du 100 m, le 31 juillet que le « coach » australien Brett Hawke avait jugée « inhumaine ».

Avec un temps de 3’ 28’’ 01, l’équipe américaine a terminé à 0,55 secondes derrière les Chinois crédités de 3’ 27’’46. A cette occasion les Français ont décroché la médaille de bronze.

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Ayant très mal supporté les soupçons de dopage autour des performances de leurs nageurs, les internautes chinois dont l’orgueil patriote est attisé par l’appareil sur le mode critique des États-Unis, n’ont pas tardé à réagir aux accusations de dopage.

Une semaine seulement après la cérémonie d’ouverture, on pouvait voir sur Weibo une capture d’écran de la nageuse américaine Torri Huske, 22 ans, médaille d’argent au 4 x 100 m quatre nages à Tokyo en 2021 à 19 ans et triple médaillée d’or à Paris, au 100 m papillon, au 4 x 100 m quatre nages et au 4 x 100 m quatre nages mixte.

La photo était accompagnée de commentaires laissant entendre que les exceptionnelles performances n’étaient pas naturelles, comme le montrent, disent les internautes, les « rougeurs inhabituelles » du visage de Huske.

« Les visages des athlètes américaines sont très étranges », écrit un blogueur qui ciblait aussi Gretchen Walsh, médaille d’argent au 100 m papillon (…) « Ils sont si rouges qu’ils paraissent presque violets (…) Ne sont-ils pas dopés ? Il faudrait les tester. »

Peu après les salves de commentaires se concentrèrent sur Huske et ses trois médailles d’or. Lin Bo, un internaute médecin ajoutait que les rougeurs du visage étaient « une réaction caractéristique aux médicaments. »

Très vite apparut un des thèmes favoris de la propagande générale de l’appareil : la polémique sur le dopage des athlètes chinois était artificiellement fabriquée par l’Occident pour nuire à l’image internationale de la Chine.

Pour Wang Guan, animateur du média d’État chinois China Global Television Network, « les Occidentaux exagèrent collectivement les soi-disant incidents de dopage des nageurs chinois dans le but de détruire la réputation de la Chine. »

Sur la même ligne, la nageuse Zhang Yufei sur la sellette depuis les jeux de Tokyo, stigmatisait l’injustice dont étaient victimes les Chinois. « Pourquoi les athlètes chinois sont-ils accusés lorsqu’ils nagent vite, alors que personne n’a osé douter de Michael Phelps lorsqu’il a remporté huit médailles d’or ? »

Quant à Shen Yi, professeur de relations internationales à l’Université Fudan de Shanghai, il a, en phase avec le discours officiel du Parti, haussé ses commentaires à hauteur de la rivalité stratégique entre la Chine, puissance montante et l’Amérique affaiblie : « Les États-Unis en déclin veulent réprimer l’émergence de la Chine. »


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