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Sous la « tempête Trump », les illusions chinoises de la Chancelière

La carte sauvage de Trump.

Prenant conscience de la force des enjeux – 186 Mds d’€ d’échanges en 2017 dont 86 Mds d’€ d’exportations allemandes vers la Chine -, l’article commençait par le constat réaliste que la visite dépassait le cadre strictement commercial, Angela Merkel, dont la rencontre avec D. Trump s’était plutôt mal passée, étant confrontée, dit la FAZ, à « l’homme le plus puissant de l’Empire du Milieu », sous la pression des provocations de Washington.

Alors que le président américain articulait sa stratégie à des sanctions tarifaires, notait encore la FAZ, Berlin et Pékin avaient, selon A.Merkel, la volonté d’approfondir encore leur coopération définie lors du G.20 à Hangzhou, tandis que Xi Jinping, ignorant les crispations commerciales expliquait que les « relations entre Berlin et Pékin n’avaient jamais été aussi vastes et riches, ouvrant de prometteuses perspectives d’avenir ».

La Chancelière était plus circonspecte. Mais ayant en tête l’échéance des consultations politiques entre les deux gouvernements début juillet, et consciente des changements rapides de la situation globale, à la fois dans les domaines stratégique, technologiques et commerciaux, elle a exhorté les deux parties à ne pas « se reposer sur leurs acquis » et à consentir des efforts « intensifs », pour « sans repos » s’adapter aux évolutions en cours.

Au-dessus de ce discours planait la « carte sauvage » de Donald Trump et le souvenir pénible de son récent voyage à Washington où furent abordées les questions des surplus commerciaux allemands, celle des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium européens, la salve faisant surgir le risque que la situation ne dérape vers une guerre commerciale tous azimuts.

A la rédaction de cette note, ses prémisses pointaient déjà leur nez , avec l’entrée en vigueur le 1er juin des taxes américaines et les perspectives de ripostes européennes annoncées par la Commission à Bruxelles, Berlin et Paris qui, tous trois, soulignèrent que Washington bafouait les règles de l’OMC. Le Président français ayant ajouté que la décision de la Maison Blanche pourrait fermer la porte à d’autres dialogues.

Le trompe-l’œil d’une alliance chinoise.

Critiqué par la Présidente du FMI Christine Lagarde et Susan Danger, présidente de la chambre de commerce américaine en Europe, le craquement commercial d’ampleur tectonique initié par D. Trump ciblant indifféremment, la Chine, le Mexique, le Brésil, l’Argentine et ses alliés japonais, australiens, européens et canadiens, était l’objet d’un éditorial du Global Times le 25 mai, qui en contrepoint de la brutalité du Président Américain exhortait l’Allemagne à « transcender les barrières idéologiques et géopolitiques » et à se rapprocher de la Chine.

Après le choc provoqué par le déménagement de l’Ambassade américaine à Jérusalem, ces nouvelles lignes géopolitiques, disait l’article, pouvaient asseoir les bases d’une riposte conjointe à Washington après son retrait de l’accord nucléaire iranien et son agressivité commerciale.

Mais, enfonçant un coin dans deux constructions devenues fragiles, celle la solidarité européenne dont la vulnérabilité est connue, et celle de la connivence culturelle transatlantique déjà fortement mise à mal par D. Trump, l’auteur relevait la contradiction d’Angela Merkel cherchant l’appui de Pékin pour sauvegarder le libre commerce et le multilatéralisme, mais se réjouissant des pressions exercées par Washington sur la Chine à propos de la propriété intellectuelle ou de l’accès au marché chinois.

La fin de l’article renvoyait à la conception du régime puissamment nationaliste des « caractéristiques chinoises » où le droit s’efface devant la prévalence culturelle. Exhortant Berlin à oublier « les règles occidentales » de protection de la propriété intellectuelle ou celles de l’OMC articulées au respect par tous du libre marché, il suggérait qu’en échange de l’appui chinois contre la brutalité de Trump, l’Allemagne abandonnât ses méfiances à l’égard de ce que l’auteur appelle les « valeurs chinoises ».

En réalité, celles-ci sont une règle du jeu taillée sur mesure, autorisant Pékin, au nom de ses intérêts, à transgresser les règles de la réciprocité de l’ouverture au marché et celles de la sauvegarde de l’innovation, résultat des travaux de recherche fondamentale et appliquée des scientifiques et ingénieurs qu’ils soient étrangers ou chinois.

Tel était le sens véritable des trois dernières lignes de l’article, assimilant les différences culturelles au rideau de fer de l’après-guerre : « les liens entre la Chine et l’Allemagne doivent transcender les barrières idéologiques et géopolitiques. Les “valeurs occidentales“ ne doivent plus être le plafond de verre des relations sino-allemandes et la coopération entre les deux doit s’affranchir de la mentalité de guerre froide ».

*

Autrement dit et pour poser les choses plus crûment, si l’Allemagne souhaitait préserver ses parts de marché en Chine, elle devrait se désolidariser de ceux qui harcèlent Pékin sur le droit de propriété et son ouverture au marché.

Nous voilà face aux premières conséquences de l’égoïsme commercial de l’Amérique où, à la faveur du tumulte déclenché par Trump, le régime de Pékin, bardé de ses « caractéristiques chinoises », accentue son travail de sape contre l’architecture articulée au droit mis en place par Washington et les Occidentaux après la guerre.

Les bouleversements se déroulant sous nos yeux suggèrent plusieurs questionnements. Le temps du droit international piétiné par les puissants est-il révolu ? Le monde entre t-il dans une phase où la puissance et la force prendront universellement le pas sur la loi et le dialogue ?

En corollaire, il apparaît clairement que l’Europe, cessant de se chercher un mentor et de se poser en arbitre universel de la morale et de la bonne « gouvernance », doit sous peine de disparaître repenser son identité autour des Nations, seul concept capable de rassurer ses peuples et commencer sérieusement à définir par elle-même les conditions de sa sécurité et celles de la défense de ses intérêts directs qu’à l’évidence personne, ni Washington, ni Pékin, ne prendra en charge à sa place.

Note sur l’étude de la pensée de Xi Jinping. 习近平 思想

Après la création, le 23 janvier 2018 à l’Université de Pékin (Beida) d’un département d’étude de la pensée de Xi Jinping du « socialisme aux caractéristiques chinoises », introduite dans la constitution du Parti lors du 19e Congrès en octobre 2017, son expression est affichée sur grand écran lors des séminaires d’étude à tous les échelons de l’appareil.

Opérant sous l’égide des études marxistes de Beida, le nouveau département est chargé de promouvoir la pensée du n°1 du Parti, devenue le slogan idéologique du régime. Dans son essence, la pensée éloigne l’appareil des préceptes de gouvernance par le droit démocratique (séparation des pouvoirs, indépendance de la justice et pouvoir parlementaire de contestation des politiques publiques) pour le rapprocher d’une conception despotique de la gouvernance articulée à la vertu d’un pouvoir autocratique

NOTES de CONTEXTE.

1. La « Great Bay Area 粤 港 奥 大 弯区 »

Au total la zone regroupe 70 millions d’habitants et affiche un PIB total de 1350 Mds de $, au niveau de l’Espagne, de l’Australie ou de la Russie. En PIB par habitant qui mesure l’état du développement individuel, 2 conurbations se détachent : Macao, 70 000 $ (au niveau du Qatar et du Danemark) ; Hong-Kong, 40 000 $ (au niveau du Japon – pm. France : 45 000 $).

Le PIB des autres métropoles varie entre Shenzhen, 25 000 $ (Portugal ou Taïwan) et Zhaoqing et Jiangmen, 8000 $ (Botswana ou Républicaine Dominicaine), en passant par Canton, Zhuhai et Foshan ≤ 20 000 $ (Slovaquie, Grèce ou Oman), Zhongshan, 18 000 $ (Uruguay) et Huizhou, 15 000 $ (Chili).

2. Les déboires de la Deutsche Bank.

Pour tempérer l’impression d’invasion chinoise tous azimuts, le Handelsblatt aurait pu signaler la vente le 23 avril par le groupe HNA de 10% de ses parts dans la Deutsche Bank achetées il y a seulement un an. A rebours des craintes d’un excès de puissance de la Chine, le retrait du groupe chinois, signale au contraire une fragilité aux conséquences potentiellement toxiques pour les cibles d’investisseurs douteux.

En décembre 2017, le rachat du groupe financier UDC par HNA pour 460 millions de $ avait été bloqué par le Bureau de régulation des investissements étrangers néo-zélandais pour défaut de transparence de la structure financière du groupe chinois.

Champion des acquisitions à crédit estimées à 50 Mds de $, ayant généré une montagne de plus de 2 Mds de $ de dettes et entré dans les radars de la Commission des Investissements à l’Etranger, le groupe domicilié dans l’île de Hainan, est le plus gros actionnaire de la DB dont les cours ont chuté de 30% depuis un an. Après une frénésie d’acquisitions ces dernières années, le groupe a fait volte-face.

Sous la pression des régulateurs réprimant la boulimie d’investissements à l’étranger qui viennent de faire condamner à 18 ans de prison Wu Xiaohui le PDG des assurances ANBANG pour « crimes économiques » (Lire : L’arrestation du PDG des assurances Anbang, pointe émergée du labyrinthe financier et politique chinois.). HNA a récemment commencé à vendre ses actifs à l’étranger à un rythme accéléré.


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