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Violente charge de Pompeo contre le Parti. Les dessous du raidissement chinois

« Séparer le Peuple du Parti est une offense à la Nation chinoise »

« A Hong Kong et au Xinjiang, » poursuit Pompeo, le régime chinois bafoue les droits de l’homme les plus élémentaires de ses propres citoyens - le grand et noble peuple chinois - ; Le modèle ainsi proposé au monde est celui où la pensée doit être conforme à celle élites communistes. ». (…) Ce n’est pas l’avenir que veulent les autres démocraties, ni même les Chinois. » Les critiques de Mike Pompeo s’appuient entre autres sur un rapport de Radio Free Asia, financé par le Congrès des États-Unis selon lequel « au moins 150 personnes sont mortes dans les camps d’internement du Xinjiang »

« Le recours systématique de Pékin à la contrainte n’est pas une bonne chose pour ceux d’entre nous qui croyons à la démocratie et à la souveraineté en tant que normes fondamentales devant régir le commerce mondial et la manière dont les pays interagissent. Exprimant des revendications sans fondements légaux en mer de Chine méridionale et au mépris du peuple taïwanais, ces pressions menacent les libertés de l’ordre international. »

Les reproches adressés à Pékin par M. Pompeo recoupent ceux déjà exprimées par Mike Pence qui, au passage, fustigeait les groupes américains engagés en Chine, les accusant de « vendre leurs principes », soupçonnant notamment NBA d’être devenue une « filiale du Parti ».

Le 25 octobre, Hua Chunying porte-parole du Waijiaobu déclarait lors d’une conférence de presse de routine que les propos du Vice-Président étaient « mensongers » et « arrogants ». (…) « La norme la plus importante en matière de droits de l’homme était de savoir si le peuple chinois était satisfait. » (…)

Au fur et à mesure que le pays avance à pas de géant, a-t-elle ajouté, « le peuple chinois ressent de plus en plus de bonheur et d’épanouissement. Notre gouvernement attache une grande importance à la protection et à la promotion des droits de la personne. »

Évoquant les critiques à propos de la politique chinoise au Xinjiang et à Hong Kong, son ton a adopté la véhémence vindicative de la victime injustement outragée. « Un groupe de politiciens américains dirigé par Pence a semé la confusion par ses remarques irréfléchies et ses calomnies fabriquées » (…) « Toute tentative visant à déshonorer la Chine et à la salir est destinée à n’être qu’un trompe-l’œil qui tombera dans les oubliettes de l’histoire. »

Mais la partie de l’intervention de Pompeo qui a assurément le plus heurté le Parti fut celle où, spéculant sur le désir de liberté du peuple chinois, il a clairement laissé entendre que le régime qui censure l’information libre, n’était pas légitime.

Outre une première intervention de Cui Tiankai, ambassadeur à Washington s’exprimant à l’Institut Houston : « séparer le peuple du parti revient à défier la nation chinoise » (…) et « Il est hautement hypocrite de prétendre souhaiter le succès de la Chine tout en diffamant le travail du Parti qui l’a permis », le sujet a été repris avec fougue par Geng Shuang, le porte-parole :

« Le discours de Pompeo est une attaque vicieuse contre la Chine révélant l’état d’esprit biaisé et férocement anti-communiste de certains hommes politiques américains qui prétendent séparer le Parti du peuple chinois ».

Livre Blanc : Entre propagande et non-dits au cœur des soucis du régime.

En juin dernier, le gouvernement chinois avait publié un Livre Blanc (LB) en Anglais qui ne balayait pas tous les aspects de la rivalité stratégique entre Pékin et Washington, mais clarifiait « la position de la Chine » sur les « consultations économiques et commerciale sino-américaines ».

Le texte qui commence par le constat que les échanges économiques sont à la fois le stabilisateur (« ballast ») et le moteur (« propeller ») de la relation bilatérale « au bénéfice du peuple », sous-tendu par le souci de bénéfices réciproques (« win-win »), est une profession de foi sur la complémentarité des deux économies, leur enchevêtrement inéluctable et le constat que les querelles nuisent non seulement aux deux acteurs, mais aussi à l’économie globale.

La rhétorique adopte un parti-pris historique mettant l’accent sur les progrès de la relation depuis 40 ans ; elle est également « globalisante », reprenant le discours des effets néfastes de la querelle sur la santé économique de toute la planète. La distance par l’histoire et la généralisation planétaire permet d’éluder le détail des récriminations qui fondent le réquisitoire de M. Pompeo.

Tout au plus les signataires acceptent t-ils de considérer le reproche de vol de technologies, avant de rejeter en bloc la responsabilité des échecs des pourparlers, sur Washington « ayant 3 fois manqué à sa parole [3].

*

Pour Pékin, « les 5000 ans d’histoire » ayant largement contribué aux progrès humains, attestent de l’autonomie innovatrice de la culture chinoise. Celle-ci se matérialise aujourd’hui par les efforts du pays en R&D (1760 Mds de RMB / 246 Mds de $) et le nombre de brevets déposés (327 000 en hausse annuelle de 8,2%). Pour remettre en perspective cette avalanche de brevets chinois de qualité très inégale, lire L’innovation avec caractéristiques chinoises.

Quant aux reproches de « pratiques déloyales », de « vol de technologies » et de « défaut de réciprocité », elles procèdent d’une erreur de perspective. En réalité, ces symptômes, dit le LB, ne sont que les conséquences de l’intégration des chaînes de production et de partage du travail, à l’origine de transferts naturels de technologies et de savoir-faire.

Cette vision recèle cependant un puissant non-dit du Parti estimant que les cessions à l’industrie chinoise des hautes technologies par les groupes étrangers sont le prix à payer pour le très lucratif accès au marché que leur accorde le régime.

La fin du LB en arrive au noyau dur de la querelle cristallisé par le refus bec et ongles du Parti de toucher à son système socio-économique mêlant étroitement la politique à la production industrielle.

Cœur de la légitimé du régime, les groupes publics solvables ou non, doivent bénéficier des aides de l’État parce qu’ils participent activement à la réponse du parti au défi d’avoir à créer chaque année plus de 10 millions d’emplois. Cette préoccupation qui renvoie aux « caractéristiques chinoises » est clairement formulée dans le § IV du LB.

Au milieu des bonnes paroles rappelant la disponibilité de Pékin pour le dialogue entre interlocuteurs souverains et responsables, soulignant aussi que Washington doit reconnaître les institutions de la Chine et sa trajectoire de développement, on lit ceci :

« Sur les grandes questions de principe, la Chine ne reculera pas. » (…) « Bien que personne ne s’attende à résoudre tous les problèmes au moyen d’un seul accord, il est nécessaire de veiller à ce que tout accord réponde aux besoins des deux parties et permette de parvenir à un équilibre. » (….)

« La Chine ne fléchira pas sous la pression et relèvera tous les défis qui se présenteront à elle. Elle est ouverte à la négociation, mais se battra jusqu’au bout si nécessaire. »

Gardant à l’esprit que le sujet renvoie à la légitimité même du Parti, il est prudent de prendre au sérieux cette profession de foi.

Note(s) :

[31) Le 22 mars 2018, sur la foi des « fausses accusations », dit le LB, formulées par la « section 301 » d’une enquête sur la Chine, révélant la stratégie de transfert forcé des technologies ; 2) Le 29 mai 2018, quand Washington imposa de nouvelles taxes au prétexte que Pékin refusait d’amender son système économique ; 3) Le 6 mai 2019, quand, dit le LB, « Washington, empiétant sur la souveraineté chinoise insista pour inclure de nouvelles exigences dans la négociation ».

En réalité, les 2e et 3e cause des volte-faces américaines sont les mêmes : le refus chinois de modifier son système socio-économique par lequel les grands groupes chinois pourvoyeurs d’emplois, partie essentielle de la légitimité du parti et de la stabilité politique du régime, bénéficient des subventions publiques quelle que soit leur rentabilité réelle.


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