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Volontarisme politique et difficultés de la transition énergétique

Le volontarisme de Xi Jinping et de ses planificateurs.

Le 14e plan quinquennal (2021 – 2025) publié en mars 2021 poursuit le double objectif de la réduction des gaspillages et d’une meilleure diversité, avec une série de mesures déjà mises en œuvre depuis 2020. François Godement les détaille dans sa note.

Elles vont des plus classiques (plafonnement de la production charbon accompagnant les réductions des gabegies et l’amélioration de l’intensité énergétique), aux plus innovantes fièrement annoncées dans les discours, mais restant à vérifier comme la production et le stockage d’hydrogène vert, en passant par la modernisation et une meilleure densité des réseaux de distribution des énergies vertes, ou encore des incitations directes accompagnant d’importants investissements publics (soutien aux véhicules à hydrogène et électriques, aide à la production de batteries, extension du parc nucléaire etc.).

Surtout, peut-être tout aussi difficile à mettre en œuvre que la taxe à la propriété à laquelle le pouvoir a dû provisoirement renoncer, « l’adoption d’une tarification flexible des prix de l’électricité en fonction de l’évolution des coûts de production et selon les secteurs et les clients ».

Les prix restant cependant toujours bridés pour les particuliers et les PME, mais mieux adaptés au marché et à la vérité des coûts pour les grosses entreprises.

En dehors des freins bureaucratiques abritant des intérêts catégoriels que Xi Jinping semble déterminé à bousculer à la hussarde et des effets indésirables d’une transition jusque-là assez désordonnée, de grands obstacle demeurent.

L’un des plus importants reste en effet la question du prix de l’électricité souvent produite et vendue à perte. Elle s’ajoute à celle du coût global de la transition, obstacle le plus sérieux au projet de réajustement du schéma industriel du pays. François Godement cite les coûts avancés par les analystes entre 25 000 à 45 000 milliards de $, soit deux fois le PIB annuel.

*

Après les pannes d’électricité de l’automne dernier, Ma Jun, Président de l’Institut de l’environnement basé à Pékin, déclarait que le pouvoir était en train de prendre conscience de la difficulté de la transition qui, dit-il, ne pourra être que de longue haleine.

Signe des réticences, le 12 décembre au lendemain de la conférence économique centrale qui réunissait la haute direction du régime, l’ancien ministre des finances (2013 – 2016) Lou Jiwei, jetait un pavé dans la mare en réclamant plus de vérité des statistiques.

Selon lui, elles ne traduiraient pas les problèmes pourtant identifiés par le pouvoir lui-même qui évoque la triple pression d’une « demande plus faible », « d’une offre irrégulière » et de « perspectives moins favorables ».

Réticences.

En insistant sur le contraste entre la réalité qu’il décrivait plus sombre et les statistiques robustes du commerce extérieur et de la production industrielle publiées en novembre ayant dépassé les prévisions, la mise au point de l’ancien ministre lors d’un forum sur la transition énergétique à Pékin, avait en réalité pour but de mettre en garde contre les excès de zèle écologiques dangereux pour l’équilibre économique.

Son point de vue s’appuyait une fois de plus sur l’idée rappelée par le Parti depuis de longues années quand il tente d’échapper aux contraintes des règlements globaux, que la Chine était encore un pays en développement.

Le 11 décembre, lors d’un forum organisé par le Centre chinois des échanges économiques internationaux (Center for International Economic Exchanges – CIEE 中国国际经济交流中心 – sous la coupe de la Commission Nationale pour la Réforme et développement), Lou Jiwei ajoutait en substance que les responsabilités et contraintes écologiques pesant sur la Chine devraient être différentes de celles des pays développés.

Sa mise en garde était relayée celle de Han Wenxiu 韩文秀 membre de la Commission Centrale des affaires économiques et financières 中央财经委员会, dirigée par Xi Jinping lui-même, assisté au sein de cette structure du premier ministre Li Keqiang et du Vice-Premier Liu He, économiste, membre du Bureau Politique et directeur exécutif de la Commission.

Les deux exprimaient les idées d’une mouvance de prudence consciente des rémanences du charbon et de la difficulté de l’éradiquer sans source d’énergie alternative crédible. Ils ne sont pas les seuls.

Au même moment, Zhang Xiaoqiang, ancien haut fonctionnaire de la Commission nationale de la réforme et développement, soulignait lui aussi l’immense difficulté de la transition. Insistant sur le rôle rémanent du charbon, il affirmait que même si la Chine atteignait son pic carbone en 2030, la production d’électricité d’origine thermique (charbon, pétrole, gaz et déchets) représenterait encore près de 60 % du total.

Lin Boqiang, doyen de l’Institut d’études sur la politique énergétique à l’Université de Xiamen, est, dans ce contexte, revenu sur les récentes pénuries d’énergie dont il faut se souvenir qu’un épisode identique avait déjà eu lieu à la fin 2020.

Lire le § « Sévères pénuries d’énergie » de notre article Une fête nationale sous tensions économiques et stratégiques.

En partie dues aux ratés bureaucratiques de l’approvisionnement en charbon exagérément freiné par la volonté de certaines autorités locales d’afficher trop rapidement leur souci écologique, elles ont réveillé les consciences et mit en exergue l’importance rémanente du charbon.

En filigrane, il, était évident que selon lui, les pénuries soulignaient les dangers du volontarisme politique. « L’énergie éolienne et solaire représentent environ 9% de la production d’électricité en Chine. Le rôle dominant du charbon dans la structure électrique et énergétique de la Chine ne peut pas être changé à court terme ».

Persistance des obstacles et perspectives.

Publié en 2021, le rapport de la coopération sino-allemande sur la transition énergétique et l’efficacité énergétique (pdf) 中德 能源 与 能效 合作, fournit d’intéressantes données sur le sujet de la transition et ses perspectives.

On retiendra :

1. Que la part des énergies renouvelables non fossiles dont le nucléaire dans la production d’énergie a atteint 29,5% en 2020, soit une augmentation de 9,5% depuis 2012.

2. Que 2020 a vu un forte augmentation des nouvelles approbations des centrales au charbon au niveau provincial, à la suite du feu vert de l’Agence Nationale de l’Énergie.

Après ces autorisations, certaines provinces ont, tout en accélérant le développement des centrales thermiques dont le rythme ne diminuera pas, restreint la part des énergies renouvelables. Pour expliquer la décision elles ont invoqué la capacité insuffisante à les absorber en même temps que celle des centrales thermiques.

3. Qu’alors même que les objectifs de réduction d’intensité carbone par rapport au PIB ont été atteints, les émissions de CO2 ont continué d’augmenter pour la troisième année consécutive (2018, 2019, 2020), essentiellement dues à la consommation de charbon.

4. Qu’au moment où la Chine augmente l’éolien et le solaire à des taux records, les énergies renouvelables continuent de manquer d’un environnement réglementaire stable et à long terme.

Plus encore, alors que le marché de l’énergie est basé sur les performances des centrales thermiques subventionnées, les incitations du marché jouent peu dans la réorientation des investissements vers les énergies renouvelables.

5. Que - c’est un motif d’optimisme - Le 14e plan quinquennal (2021-2025) propose la construction de huit grandes bases d’énergie propre à travers la Chine et un projet de développement du nucléaire côtier en plusieurs endroits. En même temps, il élabore un programme de transfert d’énergie propre des bases énergétiques de l’Ouest et du Nord, vers les provinces côtières de l’Est.


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