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›› Editorial

Xi Jinping change les codes et s’installe pour durer

Le 20 mars, le premier ministre Li Keqiang a tenu la conférence de presse annuelle du chef de gouvernement après les séances de printemps des deux assemblées – Lianghui 两会 – qui réunissent tous les mois de mars presque 5000 députés. Les 3000 membres de l’Assemblée Nationale Populaire ayant le pouvoir – tout de même très sérieusement bridé par la machine politique du Parti - d’amender la constitution et d’en contrôler l’application, de proposer et de voter les lois et de nommer les membres du pouvoir.

Ensuite, les 2000 membres de la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois regroupant, à côté des Communistes (représentant 2/3 des délégués), des représentants des 8 partis « démocratiques » constituant le « Front Uni » dont elle est l’expression institutionnelle héritage de la guerre civile, avec une longue liste d’associations diverses issues des professions, de la jeunesse, des R.A.S, Hong-Kong, et Macau, de Taïwan, des femmes et des syndicats nationaux, tous dépendants du pouvoir et dont le rôle, assimilable avec réserves à celui « d’une chambre haute », n’est que consultatif.

Cette année, 5 mois après le 19e Congrès où émergea le pouvoir sans partage de Xi Jinping, c’est encore lui qui occupa toute la scène d’une séquence où pourtant, selon une tradition datant d’une dizaine d’années, le premier rôle revenait au chef de gouvernement.

Objets de l’attention de tous les médias occidentaux, trois événements furent placés sous les projecteurs : La réélection de Xi Jinping à l’unanimité des 2970 voix, l’élection au poste de Vice-président de Wang Qishan, retraité du 19e Congrès du Parti et ancien grand maître d’œuvre de la lutte contre la corruption avec une seule voix contre ; et la suppression par l’Assemblée Nationale Populaire de la limitation constitutionnelle de la charge présidentielle à deux mandats approuvée par l’Assemblée par 2958 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions (16 députés étaient absents lors du vote).

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Le 20 mars, au fil des questions, Li Keqiang a bien abordé tous les sujets, parfois de manière hésitante, contrastant avec son assurance des premières années du quinquennat.

A l’intérieur d’abord, son discours a soigneusement balayé tous les thèmes, allant la sécurité sociale, aux réformes structurelles en passant par les 280 millions de migrants intérieurs, les laissés pour compte, l’agriculture, le droit de propriété, l’assurance contre les maladies graves, la croissance, la stabilité financière, la transparence gouvernementale, sans oublier l’enchevêtrement des affaires et de la politique, terreau de la corruption.

A l’extérieur, il a confirmé l’ouverture au marché de la Chine que Xi Jinping avait promise à Davos et laissé entendre que les barrières aux investissements étrangers seraient rapidement levées dans la foulée des emblématiques projets des « nouvelles routes de la soie ».

Il a aussi évoqué les relations avec la Russie, en demi-teinte marquées par de maigres échanges commerciaux, en dépit des puissants liens créés par les contrats de gaz et malgré l’empreinte grandissante de l’Organisation de Shanghai calibrée par l’esprit de résistance à l’Amérique ; les frictions avec l’Inde, « épine dans le pied » de la Chine dans la région (François Godement), l’amélioration en cours des relations avec le Japon, que Li Keqiang a cependant prudemment analysée avec des pincettes, indiquant que tout restait à faire.

Par dessus tout, revenues à plusieurs reprises dans les questions, la situation nord-coréenne, où Li Keqiang a, sans surprise, loué la détente apparente, dans un contexte général de relations tendues avec Washington, aujourd’hui plombées par les perspectives d’une violente guerre tarifaire – dont Li Keqiang a répété qu’elle ne laisserait que des vaincus - et la résurgence avec force, de la question taïwanaise autour d’une proposition des conservateurs américains et de chercheurs regroupés au sein du « Projet 2049 Institute ».

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Créé en 2008, pour proposer une vision à long terme des stratégies américaines en Asie, examinant la modification des rapports de force dans le Détroit et les risques pesant sur la démocratie dans l’Île, ce centre de recherche propose une refonte complète de la stratégie de Washington articulée à la promotion et à la protection de la démocratie ainsi qu’au rehaussement du statut international de Taïwan y compris par des échanges d’officiels américains de haut niveau (déjà en cours avec la visite dans l’Île en février du sénateur James Inhofe n°2 de la Commission des forces armées du sénat, à la tête d’une nombreuse délégation), l’adoption d’un accord de libre échange.

A quoi s’ajoute, chiffon rouge agité sous le nez de Pékin, l’accroissement de la coopération de défense et de sécurité passant aussi par la vente d’armements « répondant aux besoins de l’Île » - laissant planer la menace que Washington pourrait vendre à l’Île des avions de combat de dernière génération - et des escales croisées de navires de combat autorisées par Donald Trump en décembre dernier.

Publiées en mars 2018, ces propositions ont excité un nerf sensible à Pékin au point qu’après son investiture pour un 2e mandat présidentiel, mise en scène à l’américaine, une main levée poing fermé, l’autre ouverte posée sur la constitution qu’il jura de respecter juste après l’avoir fait modifier à son profit, Xi Jinping prononça un discours puissamment nationaliste teinté de morale historique.

Réaffirmant avec force que la Chine n’acceptera jamais que son territoire soit amputé, il a brutalement mis en garde Taipei contre toute tentative séparatiste dont il a dit qu’elle serait « vouée à l’échec, réprouvée par le peuple chinois et condamnée par l’histoire ».

Cette séquence inédite dans la forme comme dans le fond, mit, après deux semaines, un point final à la 13e Assemblée Nationale populaire durant laquelle le Secrétaire Général du Parti, Xi Jinping a, par la force des événements, clairement éclipsé le premier ministre.


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