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Xi Jinping dans le chaudron du Moyen Orient. Quête d’énergie, atouts et limites des influences chinoises

Un regain d’activisme diplomatique.

Le 7 janvier 2016, après avoir reçu le 24 décembre 2015 le Ministre des Affaires étrangères syrien Walid Al-Moualem Wang Yi accueille à Pékin une délégation de l’opposition à Bashar el Asad invitée par l’Institut des Affaires Internationales.

Sans modifier ses objectifs et le choix prioritaire accordé à la négociation, Pékin a récemment tenté de compenser son effacement stratégique militaire par une intense activité diplomatique qui tranche avec les habituelles prudences chinoises. Dans un article paru le 25 juin dans la rubrique « China Power » de la revue « The Diplomat », Moritz Rudolf juriste et économiste allemand, spécialiste de la Chine et ancien stagiaire à l’Institut de Langues étrangères de Pékin, trace la portée et les limites de la diplomatie chinoise dans la fournaise du Moyen Orient.

Récemment, poussé par son désir d’apparaître comme un acteur géostratégique influent et par ses intérêts stratégiques directs notamment ceux liés aux impacts de sécurité en Chine des métastases du cancer islamique, le Politburo a multiplié les initiatives diplomatiques. Depuis la fin décembre le Waijiaobu s’active pour préparer la conférence de Genève commencée le 25 janvier entre les représentants de Damas et l’opposition syrienne pour tenter de mettre fin à la guerre civile. Le 24 décembre Wang Yi avait reçu son homologue syrien à Pékin qui, peu après, fut suivi dans la capitale chinoise par Khaled Khoja, président de la coalition des opposants à Bashar el Asad.

L’initiative qui s’éloigne du cadre strict de la non ingérence et des appels théoriques à la paix, fut une surprise pour nombre d’observateurs. Pour autant s’il est vrai que Pékin ne fournira aucun appui direct à l’opposition contre Damas, de même qu’à l’inverse, les affirmations des renseignements israéliens spéculant sur une intervention chinoise aux côtés de Moscou et au profit de Bahar el Asad tiennent de la désinformation, il n’en reste pas moins que le théâtre syrien, point focal du cancer terroriste constitue le terreau d’une menace contre les stratégies des routes de la soie et contre le territoire chinois lui-même. A la mi-janvier l’État Islamique a diffusé une vidéo en Mandarin ciblant la République Populaire et justifiant a posteriori la loi anti-terroriste votée à la fin 2015.

Il y a cependant une autre raison à l’activisme diplomatique chinois en Syrie. Il est vu par le Poliburo comme l’occasion donnée aux diplomates du Waijiaobu de s’exercer à la résolution de conflits et à la médiation dans un cadre multilatéral, une capacité maîtrisée par peu de puissances, mais constituant un attribut indispensable à une stratégie d’influence.

L’élan diplomatique chinois ciblant la crise syrienne fait suite aux efforts de médiation de Pékin entre les Taliban et le gouvernement afghan. Il s’est poursuivi récemment par l’envoi d’émissaires à Riyad et à Téhéran pour les appeler au calme au milieu de la crise ayant suivi suivi l’exécution de l’imam chiite Nimr.

Les limites de l’influence chinoise.

Pour autant, s’il est vrai que l’activisme chinois répond à la fois au souci de rester présent dans la « grande image » stratégique du Moyen Orient, tout en explorant les improbables voies diplomatiques visant à limiter la prolifération de la menace djihadiste, on voit bien que, pour l’heure, la puissance de l’action chinoise est limitée.

Ses principaux handicaps sont la faiblesse de son arrière plan stratégique militaire et son inexpérience dans une zone dont les enjeux historiques, stratégiques, culturels voire religieux renvoient directement aux relations entre le Monde arabe et Occident, dont la Chine s’est elle-même longtemps tenue à l’écart depuis le déclin des premières routes de la soie après la dislocation de l’Empire Mongol et la prévalence des routes maritimes.

Alors que le théâtre se fracture de plus en plus le long de lignes ethniques et religieuses, avec en fond de tableau la puissante rivalité rivalité religieuse entre les Chiites de Téhéran et les Sunnites de Riyad, rien ne dit que la stratégie chinoise vertueuse de l’équilibre et de la primauté économique sera toujours la meilleure pour protéger les intérêts chinois.

NOTES de CONTEXTE

Vidéo de l’État islamique ciblant la Chine

A côté des anathèmes et des appels au meurtre en Anglais, en Français et dans plusieurs autres langues occidentales en russe ou en arabe, l’État Islamique qui avait déjà ciblé la Chine par le passé au milieu de 60 autres pays désignés comme faisant partie de la « Coalition diabolique », vient de produire, début décembre 2015, une vidéo psalmodiée en Mandarin qui appelle les Chinois au « réveil » les incitant à prendre les armes pour s’insurger « comme le commande le prophète ».

La mise en ligne faisait suite à l’annonce des premières victimes chinoises des Djihadistes (Fang Jinghui pris en otage et exécuté et les trois responsables de China Railways tués dans l’attentat du 20 novembre à Bamako). Lire notre article La sécurité régionale et globale au cœur des réunions de l’APEC et de l’ASEAN

Déjà en 2014, Abu Bakr Al-Baghdadi avait déjà mentionné le Xinjiang comme un territoire à reconquérir où les « Musulmans étaient opprimés ». La même année, Wu Sike, l’envoyé spécial chinois au Moyen Orient avait exprimé les risques posés par les allers-retours de Ouïghour en Syrie. Le Global Times avait estimé leur nombre à plusieurs centaines.

La Chine et le Moyen-Orient. Un souci d’énergie.

Les intérêts directs chinois dans la région liés à la quête d’énergie datent des années 90. Ils s’expriment aussi par le développement de projets d’infrastructures dont l’élan vient d’être relancé par la Banque Asiatique pour les investissements d’infrastructure et les stratégies des « nouvelles routes de la soie ».

En décembre les visites successives des officiels de Damas et des opposants au régime syrien ont exprimé la volonté de Pékin de rester en phase avec d’éventuelles solutions. Elles traduisent aussi une évolution de la pensée stratégique chinoise en même temps que la nouvelle volonté du régime – répondant à une exigence globale – d’étendre son influence physique vers les nœuds stratégiques de la planète. Ces nouvelles tendances sont révélées par la participation à la lutte contre la piraterie dans le Golfe persique et la décision d’installer une base navale à Djibouti.

Dans le monde arabe, la Chine jouit d’une bonne image reconnue par la Ligue Arabe et son président Nabil al-Araby : « La Chine qui ne prend jamais parti et recherche toujours l’avantage de tous, est la seule puissance majeure qui a toujours promu et défendu les justes droits des Arabes ». Ces principes ont été énoncés dans la première note de politique sur le Monde Arabe de l’histoire chinoise récente que Xi Jinping a présentée au Caire. Elle met l’accent sur les « intérêts partagés » et des coopérations « à l’avantage de tous ».

Crée en 2004, le Forum de coopération sino-arabe (CACF) institutionnalisait la relation de la Chine avec les 21 pays de la Ligue Arabe. Depuis, il s’est réuni 18 fois, soit au niveau des fonctionnaires, soit au niveau des ministres. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que la région a pris une place essentielle dans les calculs stratégiques et de sécurité de Pékin. En publiant la note de « politique arabe » énoncée et commentée par Xi Jinping lors de sa visite, le Politburo signifiait qu’il souhaitait aller plus loin dans les coopérations stratégiques avec les pays arabes.

En échange il espère l’appui des membres de la Ligue à sa politique au Xinjiang et au Tibet, des échanges de renseignement efficaces sur les menaces terroristes et, surtout, le maintien régulier de l’approvisionnement en pétrole (50% des importations chinoises - soit 3,2 millions de barils/jour, en augmentation de 12% par an, - viennent de la région, l’Arabie saoudite étant le 1er fournisseur de la zone).

Là se situe un risque. Alors que Pékin parie que, sous son influence, les pays de la zone placeront progressivement les échanges économiques au cœur des relations, il n’est pas certain que la position de défenseur de la stabilité des régimes et de médiateur neutre à équidistance entre Riyad et Téhéran soit tenable.

Récemment ses veto successifs avec Moscou pour bloquer plusieurs résolutions des NU sur la Syrie lui ont attiré la vindicte de certains médias arabes et celle des opposants à Bashar el Asad qui, au Liban, ont brûlé des drapeaux chinois.


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