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A Taïwan, le programme de construction de sous-marins face à la houle

« Les récents mouvements du porte-avion chinois autour de Taïwan ont éclairé le besoin pour l’île d’avancer son propre projet de construction de sous-marins. » Feng Shih-juan, Ministre de la Défense taïwanais 13 janvier 2017.

Après de multiples échecs pour s’équiper en sous-marins à l’étranger, Taïwan ne s’est pas découragé et a décidé de construire ses propres vaisseaux.

L’enjeu est sérieux, puisqu’une flotte de sous-marins renouvelée, agrandie et modernisée serait à même de dissuader et d’interdire l’accès des eaux taïwanaises à une flotte chinoise d’invasion. Par là, les stratèges formosans espèrent corriger un peu l’infériorité désormais structurelle de l’armée taïwanaise par rapport à l’armée chinoise.

L’ennui, c’est que Taïwan n’a que peu d’expérience et que, pressions insistantes de la Chine obligent, bien peu d’alliés sont prêts à soutenir cette ambitieuse initiative.

Contexte

Depuis l’échec de Pékin à forcer Taipei à accepter ses conditions pour une unification pacifique [1] et les remarques peu amènes du Président de la République Populaire de Chine Xi Jinping portant sur l’impossibilité de laisser cette question se transmettre de génération en génération, nombreux sont les observateurs qui considèrent de nouveau comme très réaliste la possibilité d’une attaque militaire chinoise contre Taïwan.

Depuis plusieurs années, l’équilibre des forces de part et d’autre du détroit de Taïwan a basculé en faveur de la Chine. La modernisation de l’Armée Populaire de Libération (APL) lance aujourd’hui un défi implacable aux forces armées taïwanaises, obligées de trouver des alternatives à leur perte de puissance relative.

Piqués au vif, le gouvernement et l’état-major taïwanais ont compris l’impérieux besoin d’une stratégie asymétrique contre le Goliath chinois, s’inscrivant dans la stratégie de défense globale dont l’objectif premier est de garantir l’inviolabilité de la Nation.

Trouver l’arme adéquate

Depuis des décennies, les Taïwanais tentent d’acquérir sans succès de nouveaux sous-marins, arme asymétrique et de dissuasion par excellence. Parmi les différents scénarios d’une attaque de Taïwan par l’APL, deux d’entre eux seraient considérablement gênés par une meute de sous-marins de la marine taïwanaise (ROCN) :

1) Un assaut amphibie, pour lequel l’APL modernise sa marine et s’entraîne par des exercices toujours plus nombreux et plus complets ;

2) Un blocus maritime destiné à affamer la population et à asphyxier l’économie taïwanaise, au cas où les Chinois décideraient de forcer l’Île à capituler sans tirer un coup de feu ;

La capacité des sous-marins d’opérer et de frapper seuls et de façon silencieuse est redoutable. Par conséquent, l’utilisation de sous-marins serait extrêmement efficace pour interdire l’accès des routes maritimes vitales à Taïwan, sans pour autant chercher la confrontation frontale avec la marine chinoise (PLAN).

Les eaux du détroit de Taïwan sont peu profondes mais très bruyantes du fait des courants et du trafic maritimes, ce qui améliorerait la furtivité des sous-marins. De plus, la proximité immédiate du front fait que les sous-marins taïwanais n’ont pas à croiser loin de leurs abris, ce qui constitue un avantage opérationnel certain.

Faire le choix du sous-marin éviterait également à Taïwan de s’engager dans une course chimérique aux armements avec la marine chinoise compte tenu de l’excellent rapport coût/efficacité des submersibles ayant une puissance de feu inversement proportionnelle à leur taille.

Déséquilibre dans le détroit

Actuellement, Taïwan ne possède que quatre sous-marins. Deux d’entre eux sont de véritables antiquités et datent de la seconde guerre mondiale. Il s’agit d’anciens sous-marins américains de la classe Tench et Balao vendus à Taïwan dans les années 1970 [2]. Jusque récemment, ces deux sous-marins étaient utilisés à des fins d’entraînement, mais ils sont maintenant presque inexploitables, plus aptes à satisfaire la curiosité des historiens qu’à combattre les vaisseaux chinois.

A la fin des années 1980, Taïwan a aussi acheté aux Pays-Bas deux sous-marins de la classe MK2 (connus sous le nom de Hai-lung Class à Taïwan). En dépit de leur âge, ils sont toujours considérés comme des plateformes fiables et efficaces, et sont sur le point d’être modernisés.

Cela dit, la flotte de sous-marins taïwanais est très largement dépassée par ceux de la marine chinoise. La RAND Corporation estimait en 2015 qu’à partir de cette année, environ 70% des 60 sous-marins de la marine chinoise, seraient des bâtiments modernes tous plus récents que les deux Hai-lung taïwanais.

Le programme de sous-marins

Les stratèges taïwanais entretiennent une douloureuse mémoire de contrats d’acquisition de sous-marins à l’étranger avortés, la plupart à cause de complications techniques et politiques, comme avec États-Unis en 2001.

Tous ces ratés, ajoutés à la pression chinoise de plus en plus forte sur les autres fabricants mondiaux de sous-marins, au premier rang desquels la France, l’Allemagne et le Japon, ont convaincu les Taïwanais qu’il était à la fois trop cher et trop compliqué d’acheter à l’étranger.

Ainsi, en 2014, cette ancienne ambition s’est muée en un nouveau programme de production de sous-marins à Taïwan (IDS), surtout après l’accession de l’amiral Chen Yeong-kang à la tête de la marine taïwanaise (ROCN).

En septembre 2014, Tsai Ing-wen, qui n’était encore que la dirigeante du Parti Démocrate Progressiste - DPP, alors parti d’opposition, approuva le septième livre bleu sur la politique de défense du DPP, contenant une ébauche du plan de production d’un sous-marin domestique. Le papier mettait en exergue un manque de volonté politique à Taïwan et promettait de porter le projet à bras le corps une fois au pouvoir. C’est maintenant chose faite.

Le 7 juillet 2016, alors que Tsai Ing-wen était désormais au pouvoir, le chef d’état-major de la marine Mei Chia-shu déclara à une commission législative qu’il espérait obtenir des Pays-Bas où furent construits les Hai-lung, des plans de sous-marins et s’en servir comme base de travail pour les prochains bâtiments construits à Taïwan.

Cette déclaration accompagnait la décision de rallonger la durée de vie des Hai-lung et de remplacer définitivement les vénérables unités de classes Tench/Balao, promises au musée ou à la ferraille.

En août 2016, le très réputé chantier naval taïwanais China Shipbuilding Corp (CSBC) créa un nouveau centre de développement à Kaohsiung destiné au design de quatre à huit sous-marins de type diesel-électrique. Un premier design devait être publié par le SDCC [3] avant la fin de l’année 2016, mais l’auteur de ce papier n’en a pas trouvé trace.

D’après les estimations les plus optimistes, le premier sous-marin devrait sortir des chantiers en 2024 et être mis en service en 2025. Bien sûr, cette information n’est pas à prendre au pied de la lettre car malgré des débuts prometteurs, le programme doit encore face à face à de grands défis.

Note(s) :

[1L’unification ou tout rapprochement politique va à l’encontre du souhait exprimé par une majorité écrasante de Taïwanais.

[2Mais il ne s’agit pas de sous-marins de classe Guppy, contrairement à ce qu’on lit parfois.

[3Le Submarine Development Center (SDCC).


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