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The big Horseshoe Bend (3e partie, 3/3)
Le Brahmapoutre coule à la vitesse fantastique de 10 mètres par seconde entre les deux monts Gyalwa Peri et Namuchabawashan. Ici l’eau taraude sans merci la roche, et les aspérités du fond provoquent de monstrueuses vagues déferlantes qui projettent des embruns à des hauteurs d’une vingtaine de mètres. Le courant s’accélère encore dans le tronçon le plus profond de la vallée, roulant avec lui d’énormes blocs de cailloux. Le raclement terrifiant des blocs de rochers transportés par les flots, le grondement des avalanches de neige et de glace, le mugissement des cascades, tout se fond en une terrifiante et bruyante symphonie que se renvoient en échos les parois de la vallée, jusqu’à en faire trembler les montagnes ! (sic !)
Le Brahmapoutre quitte le plateau du Tibet en passant sur le versant sud des Himalayas. Depuis Pai, dans le district de Mainling, à l’entrée de la grande boucle, jusqu’au village de Xirang, dans le district de Medog, à sa sortie des gorges, le fleuve franchit une dénivelée de 2 200 mètres, sur une distance de 240 km ! Toutefois, les deux points extrêmes de la grande boucle ne mesurent en droite ligne qu’à peine 38 km... et les Chinois de fantasmer ! « Si une galerie pouvait être forée à travers les Himalayas selon cette ligne droite, le fleuve pourrait susciter un projet hydroélectrique d’une puissance astronomique de 40 000 mégawatts ! » (soit la puissance cumulée de 30 tranches nucléaires françaises). Ce serait, à coup sûr le plus puissant projet de centrale au monde (actuellement, la plus puissante installation hydroélectrique en opération est celle d’Itaipu, sur le Parana, à la frontière du Brésil et du Paraguay, et dont la puissance installée « n’est que de 12 600 mégawatts », le record sera bientôt détenu par le projet des 3 Gorges, sur le Yang tsé Kiang avec une puissance installée de 18 200 mégawatts, soit 14 tranches nucléaires ). Mais tranquillisons nous ce projet n’a aucune chance de se réaliser ; il est trop pharaonique, la région est trop isolée et n’offre aucun débouché pour une puissance pareille et, enfin, les risques géologiques, tectoniques sont hors de portée.
C’est fini la grande boucle est passée, et quel passage ! le Brahmapoutre s’est assagi en puissance et va rejoindre plus calmement la frontière des Indes à travers une vallée élargie, dans un paysage tropical fertile et varié. II n’en a pas fini pour autant, car après avoir reçu une belle brochette de tributaires issues des versants sud de l’Himalaya, puissamment arrosés par la mousson, il va se répandre dans les plaines surpeuplées du Bengale causant des inondations parmi les plus meurtrières au monde. Mais ceci est une autre histoire beaucoup plus connue puisque la fine fleur de l’hydrologie mondiale est au chevet du Bengladesh depuis bientôt deux décennies (le pauvre !). Restons en au Big Horseshoe Bend. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement il ne m’a pas déçu et conservera toute sa fascination. C’est bien l’endroit qui concentre tous les paroxysmes de la planète et je suis bien heureux de vous l’avoir fait connaître.
La vérité m’oblige à dire que cette photo a été prise dans les gorges du Yang tsé Kiang, mais, par l’identité des formations géologiques constituées de granit, elle illustre bien la majesté du Brahmapoutre à l’entrée de la grande boucle avec ses flancs inaccessibles, et son profil de lit en U. En aval, le fleuve va entailler la chaîne de l’Himalaya sur une distance de 240 km au travers de gorges infranchissables, en perdant une altitude de 2200 mètres.
Le Namuchabawashan (7756 m) la grande sentinelle du Fer à Cheval.
Près de 7000 m de dénivelé entre le sommet et le fond des gorges, à la latitude des Canaries. Tous les climats de la Terre sont représentés, de l’arctique aux tropiques. Avec une pluviosité annuelle de plus de 2 m, c’est Kew Garden dans la nature !
Carte de la Grande Boucle du Brahmapoutre et des grandes rivières aux cours parallèles...
... que sont la Salween, le Mékong et le Yang tsé Kiang. Le tracé noir à droite signale l’itinéraire du groupe des botanistes de l’arche aux plantes en 2005. Le cercle supérieur indique la ville de Marqam carrefour des pistes vers Lhassa. Le cercle inférieur signale l’étape dans la station thermale deYanjing, au bord du Mékong. Nous étions à 300 km à vol d’oiseau de la grande boucle !
Les rares photos du Brahmapoutre dans la grande boucle
Prises par la mission chinoise lors de ses explorations des gorges par des affluents. Le fleuve est à l’étiage. On peut imaginer le spectacle avec un débit de crue de 10 000 m3/sec !
À 200 km à l’est du Brahmapoutre, mais la similitude des reliefs permet de faire une analogie avec la sortie des gorges de la grande boucle, au début des implantations humaines. Et quelles implantations !
La Grande Boucle est passée, nous sommes dans la région de Médog, à 600 m d’altitude et en plein climat tropical, le relief s’adoucit, la frontière avec la province d’Arunachal Pradesh en Inde est proche.