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›› Chronique

Chine, Etats-Unis, Canada, « Diplomatie de la peine de mort » : Ren Zhengfei, le PDG de Huawei sort de son silence

Pour la 3e fois de sa vie à la tête de l’entreprise Huawei, Reng Zhengfei, son très secret et très discret PDG, vient de s’exprimer sur un ton à la fois ferme et conciliant. Le moins qu’on puisse dire est que l’exceptionnel contexte de cette rare intervention publique renvoie à des enjeux bien plus larges, ponctués par l’éruption récente de dangereuses tensions aux ramifications enchevêtrées et multiples.

Afin de bien saisir combien la portée de la parole publique de Ren dépasse la simple controverse avec Huawei et même la tension de l’arrestation de sa fille au Canada, il faut garder en mémoire les événements structurant la situation dans laquelle baigne la rivalité sino-américaine.

Les jalons de la crise.

1) La guerre commerciale déclenchée par Washington contre Pékin dure depuis près de 200 jours. Elle est dilatée en un conflit global où se croisent l’influence géopolitique et, exacerbé en mer de Chine et à Taïwan, le télescopage des « valeurs » occidentales réfutées par les « caractéristiques chinoises ».

2) Accusée par Washington de fraude bancaire dans le but de favoriser les affaires de Huawei en Iran, Meng Wanzhou, la fille de Ren, arrêtée le 1er décembre 2018 à Vancouver et libérée sous une caution de 7,5 millions de $, attend, un bracelet à la cheville, une décision des juges canadiens.

L’enjeu est d’importance puisqu’il s’agit de savoir si elle sera extradée vers les États-Unis [1] où, au nom de l’extraterritorialité des lois américaines, elle risquerait 30 ans de prison.

Dans un communiqué, Huawei a nié les charges contre Meng et répété que les accusations d’espionnage, de viol de propriété intellectuelle et de cyber-intrusion proférées par Washington procèdent d’une manœuvre politique.

Le 12 janvier, pour donner du crédit à ses réfutations, Huawei se désolidarisait publiquement de Wang Weijing un directeur des ventes de la compagnie arrêté en Pologne pour espionnage. En réalité, aux États-Unis, l’épisode n’a fait qu’alimenter encore les soupçons d’intrusion malveillante.

3) En Chine, en représailles de l’arrestation de Meng, 13 Canadiens ont d’abord été placés sous les verrous. Si la plupart ont été relâchés comme Sarah McIver qui fut incarcérée pour travail illégal puis libérée, 2 d’entre eux, sont toujours en prison sans charges précises.

Michael Spavor, consultant impliqué dans les relations culturelles avec la Corée du Nord qu’on dit proche de Kim Jong-un, avait facilité la visite à Pyongyang du basketteur américain Dennis Rodman en 2013 et 2014. Il a été arrêté à Dandong en décembre après l’interpellation de Meng à Vancouver.

Même chose pour Michael Kovrig, ancien diplomate canadien, correspondant pour l’Asie du Nord-est de l’International Crisis Group. Lui aussi détenu sans qu’aucune accusation n’ait été retenue contre lui.

4) Surtout, le 14 janvier la haute cour du Liaoning qui rejugeait l’affaire après avoir décidé en appel qu’une première sentence de 15 années de prison était trop laxiste, condamnait à mort pour trafic de drogue le canadien Robert Schellenberg qui, depuis son arrestation, clame son innocence.

La précipitation dans laquelle a été prise la décision d’un nouveau procès et le caractère expéditif du 2e jugement attestent que la condamnation à la peine capitale est une riposte à la mise en accusation de Meng et un chantage exercé contre Ottawa pour empêcher un éventuel jugement d’extradition si le département de la justice américain en faisait la demande.

Ce qui ne signifie pas que Schellenberg sera exécuté. A la « diplomatie de la peine de mort » ou « de l’otage » - c’est le titre de certains grands médias internationaux - succèdera celle de l’ambiguïté et de l’attente.

Depuis la réforme de la justice lancée en 2005 – 2006, et toujours en cours en Chine visant à « exécuter moins, mais mieux », les condamnations à mort sont toutes réexaminées par la Cour Suprême [2].

Ainsi la situation est-elle suspendue à une double expectative : celle du département de la justice américain n’ayant pas encore formulé de demande d’extradition à l’encontre de Meng Wanzhou aux prises avec la brutalité de l’extraterritorialité judiciaire américaine ; celle de la Cour suprême chinoise qui fera durer le suspense aussi longtemps que le sort de la fille du PDG de Huawei ne sera pas éclairci.

Note(s) :

[1A l’heure de la rédaction de cette note, le département de la justice américain n’avait pas encore formulé officiellement une demande d’extradition à l’encontre de Meng Wanzhou.

[2Correspondant à l’évolution de la société chinoise et à la réforme de la justice en cours depuis 2005, l’exécution immédiate après une sentence de mort a été remplacée en 2011 par un sursis obligatoire de 2 année, et soumise à la revue préalable de la Cour suprême. Après cette période, l’exécution peut être remplacée par une peine d’emprisonnement qui ne peut cependant pas être inférieure à 15 ans. Voir la note de contexte sur la peine de mort en Chine.


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