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Contrôle des religions. Islam en Chine et troubles au Xinjiang

La Chine et l’Islam, une longue histoire

Des musulmans Hui dont le groupe est réparti dans toute la Chine, à l’occasion de la première prière du Ramadan.

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Arrivé en Chine au milieu du VIIe siècle dans les fourgons des commerçants arabes soit par le sud dans la région de Canton, soit par les routes terrestres du nord-ouest, l’Islam reste un religion minoritaire dont les rapports avec le pouvoir politique alternent entre apaisement et très sérieuses crispations.

Ses fidèles se divisent en 2 groupes : 1) Les allogènes d’origine turque (Ouïghour), tadjike, kirghize, ouzbek, tatar et mongole, concentrés dans le nord-ouest et au Xinjiang estimés à plus ou moins 10 millions dont la majorité est ouïghour ; 2) les Hui en nombre équivalent qui, contrairement à la classification chinoise ne sont pas vraiment une ethnie, mais en majorité des Han islamisés, avec, il est vrai, pour certains, des racines arabes, perses ou d’Asie centrale, répartis dans toute la Chine avec des centres de gravité démographiques dans les provinces du Ningxia, du Gansu, du Qinghai et du Xinjiang.

A noter que, contrairement à certains groupes Ouïghour, engagés contre le pouvoir central chinois dans une revendication identitaire de plus en plus appuyée par des pratiques religieuses affichées avec ostentation (prières, vêtements, régime alimentaire, pèlerinage à la Mecque), les seconds (les Hui) véhiculent en revanche une réputation d’allégeance aux Han, parfois dénoncée comme une trahison de l’Islam.

Lors des émeutes à Urumqi le 5 juillet 2009, les radicaux ouïghour qui avaient déferlé dans la capitale du Xinjiang massacrant près de 200 citoyens de la ville (chiffres officiels), criaient « mort au Han et aux Hui ».

Une relation d’abord apaisée, traversée par de fortes crispations.

Les périples de l’amiral Zheng He, eunuque musulman Hui, commandant la flotte chinoise au XVe siècle.

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A l’exception notable de la bataille de Talas en 751 et des massacres de Yangzhou et Canton en 760 et 879 [3], sous l’égide des Tang, des Song, des Yuan (Mongols) et durant la première partie des Ming, les relations entre Chinois en majorité polythéistes et Musulmans monothéistes furent, en général marquées par de riches échanges commerciaux et de fructueuses coopérations (administration, transports, astronomie, mathématiques, affaires militaires et stratégiques - 6 des généraux proches du 1er empereur Ming, fondateurs de la dynastie étaient musulmans - ; l’amiral Zheng He (1371 - 1433), un eunuque Hui est le plus célèbre navigateur chinois de l’histoire, auteur, durant les Ming, de 7 expéditions navales en Asie du Sud-est, jusqu’à la péninsule arabique - Aden, Ormuz, La Mecque - et sur les côtes de l’Afrique orientale).

Cette relative harmonie quand même gravement troublée par les affrontements et massacres qui accompagnèrent le long déclin des Tang, prit fin avec les empereurs mandchous des Qing (1644 – 1911).

Néo-confucéens, aux tendances très autocratiques et centralisatrices, les Qing pesèrent fortement pour réduire l’empreinte de l’Islam dans la société en interdisant les sacrifices rituels des animaux, la construction de nouvelles mosquées et les pèlerinages à la Mecque.

Probable réaction à l’intolérance, le règne des Qing fut marqué à son déclin par une série de graves révoltes des Hui dans le Yunnan (révolte des Panthay de 1855 à 1873), au Xinjiang et au Shaanxi – région de Xi’an et du Gansu (Révolte des Dungan 1862 – 1877).

Le Parti aux prises avec un Islam fracturé.

Le 5 juillet 2009, deux femmes Han blessées par des émeutiers ouïghours. Au cours des violences les Ouïghours criaient “mort aux Han et mort aux Hui“.

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A partir de cet héritage en demi-teinte à la fois ouvert à certaines époques et fortement répressif à d’autres, faisant suite à la période de la guerre civile où nombre de Hui luttèrent contre les Japonais qui à plusieurs reprises persécutèrent les Musulmans, notamment durant le « viol de Nankin », le Parti Communiste chinois a développé à l’égard de l’Islam une politique ambiguë.

D’abord radicalement athée et intolérant, puis laissant s’exprimer, par la révolution culturelle une extrême violence antireligieuse qui s’attaqua sans nuance à tous les lieux de cultes, le Parti a, avec Deng Xiaoping, permis le rétablissement des structures de l’Islam chinois, présidé à la reconstruction des mosquées et encouragé, en les encadrant, des filières d’enseignement religieux, y compris avec l’accueil de prêcheurs étrangers pourtant interdits en Chine, à quoi s’ajoute la formation des Imams avec plus de 1500 élèves étudiant à l’étranger (Voir l’Islam chinois, unité et fragmentation Élisabeth Allès, Leïla Chérif-Chebbi et Constance-Hélène Halfon, éditions EHESS, juillet septembre 2001, L’islam chinois, unité et fragmentation).

Tolérance à l’égard des Hui et méfiance sécuritaire contre les Ouïghour

Prière du vendredi des musulmans ouïghour à la mosquée de Kashgar.

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Toutefois l’aggravation de la question du Xinjiang où l’Islam constitue l’épine dorsale d’une revendication identitaire, a conduit le Parti à une attitude à double face. S’il a maintenu son ouverture à l’égard des pratiques sociétales des Hui, il a, en revanche, accentué la répression contre les Ouïghours.

Tolérant à l’égard des Hui et de leurs sensibilités, le régime l’est assurément. En 1989, il avait banni le livre Xing Fengsu (coutumes sexuelles), organisant même des autodafés du livre après de violentes émeutes à Lanzhou et Pékin des Musulmans Hui qui jugeaient que le livre insultait l’Islam.

Note de la rédaction : Objectivement certains passages du livre écrit par Ke Le and Sang Ya - pseudonymes - comparant les dômes des mosquées à la poitrine des femmes et les sanctuaires à des organes sexuels féminins, avaient un caractère insultant. Le livre expliquait aussi que les Musulmans pratiquaient l’acte sexuel avec des chamelles.

Le 12 mai 1989, une manifestation de 2500 étudiants musulmans au centre de Pékin assimila les auteurs à des « Salman Rushdie chinois ».

Le rassemblement eut lieu au dernier jour de la visite en Chine de l’Ayatollah iranien Ali Khameni auteur de la fatwa contre Rushdie. La marche fut l’une des rares protestations publiques en Chine dont l’objet était la religion. Elle eut lieu au milieu d’une forte agitation politique trois semaines avant la répression militaire contre les étudiants sur la place Tian An Men.

Lors de l’attaque contre Charlie Hebdo en France, la presse officielle du régime avait condamné les caricatures de Mahomet. Le Global Times accusa même Charlie Hebdo d’attiser l’affrontement entre civilisations. Pour autant, la prévenance officielle s’est surtout exercée au profit des Hui très intégrés à la culture chinoise.

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En revanche, les Ouïghour qui véhiculent aussi un projet sécessionniste ne bénéficient pas de la même tolérance. Ceux d’entre eux qui, comme les Hui, avaient protesté contre le livre Xing Fengsu furent poursuivis au Xinjiang. Depuis 2009, la répression s’aggrave contre les pratiques religieuses ostentatoires des Ouïghours.

Selon Dru Gladney, anthropologue américain, spécialiste des minorités chinoises, dès lors que les Tibétains ou les Ouïghours ont franchi les limites de ce que l’État chinois considère comme politique, ils s’aventurent sur un territoire dangereux.

Ainsi, alors que la participation au pèlerinage de la Mecque des Hui qui n’ont aucune revendication identitaire est encouragée et se développe, de même que le nombre des femmes voilées Hui augmente, les Ouïghours ont du mal à obtenir un visa de sortie, tandis que, dans certaines régions du Xinjiang, on entrave le ramadan, alors que ceux qui portent de longues barbes, des foulards, des voiles ou des vêtements décorés d’un croissant ne sont pas autorisés à monter dans les autobus.

A Kashgar, une référence de la culture ouïghour, avant poste de la route de la soie, le gouvernement a promu une campagne politique dont le slogan était « un projet de beauté », destiné aux femmes ouïghour qui clamait « montrez vos jolis visages et laissez vos beaux cheveux flotter au vent ».

L’injonction de s’adapter aux coutumes vestimentaires était la petite part visible du programme du n°1 du Parti qui, le 25 avril dernier, demandait que les groupes religieux adaptent leurs doctrines à la culture chinoise et participent à la réalisation du « rêve chinois » en favorisant la réforme et la modernisation du pays.

Note(s) :

[3La bataille de Talas, qui marqua le point le plus éloigné vers l’Ouest de la dynastie Tang, prélude à son déclin, eut lieu en 751 dans la vallée de la rivière Talas dans l’actuel Kirghizstan, à 200 km à l’ouest de Bichkek et à 700 km de l’actuelle frontière chinoise.

Elle opposait l’armée du Califat des Abbassides (750 – 1258) et celle de l’empereur Tang Xuanzong, commandée par le général coréen Gao Xianzhi. La défaite chinoise marqua le début de l’influence arabe et musulmane en Asie centrale, contre l’emprise des Tang confrontés aux troubles de la révolte du général An Lushan, qui s’était lui-même intronisé empereur du nord de la Chine.

Mais il n’est pas anodin de rappeler que le 2e souverain abbasside, Abu Jafar al-Mansur envoya 4000 hommes pour aider l’Empereur de Chine à reprendre le contrôle de sa capitale Chang ‘an devenue Xi’an. Cet épisode favorisa l’installation de commerçants arabes autour de Xi’an.

Pourtant, en dépit de ce soutien arabe à l’Empire, une violente révolte xénophobe, symptôme de l’affaiblissement des Tang et fomentée en 760 par le rebelle Tian Shengong à Yangzhou (à l’ouest de Shanghai) massacra plusieurs milliers de commerçants arabes et perses.

Une réplique des massacres xénophobes eut lieu en 879 à Canton où selon les chroniques furent assassinés plus de 100 000 Musulmans Arabes, Perses Zoroastriens (religion traditionnelle de l’ancienne Perse née du prophète Zarathoustra ayant vécu en 660 avant JC en Bactriane (actuelle Afghanistan). Des traces de cette religion subsistent en Iran et en Inde ainsi que dans la région de Bombay.


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