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›› Editorial

COP 21 : entre illusions et scepticismes. Réalités et limites des contributions chinoises

Le 30 novembre 2015, à la COP 21, le président Xi Jinping prononce un discours où, à côté des traditionnelles évocations des spécificités des pays en développement, il a plusieurs fois appelé à la coopération internationale.

Restons prudent, il faudra attendre quelques années avant de pouvoir affirmer que l’incontestable succès diplomatique de la COP 21 à Paris a vraiment donné lieu à un « accord historique », capable de modifier la catastrophique trajectoire d’un réchauffement anormalement rapide de la planète. Pour l’heure, tout en prêtant l’oreille aux sceptiques qui mettent en garde contre les faux semblants et les excès d’optimisme, il est nécessaire d’analyser les nombreuses ruptures survenues au cours de la conférence.

En Chine, la prise de conscience écologique est incontestable. L’évolution de l’attitude du pouvoir, pressé par les risques sociaux et politiques posés par les dégâts infligés à l’environnement s’est exprimée à Paris où la position de Pékin a clairement été plus conciliante qu’au sommet de Copenhague.

L’analyse qui suit brosse le tableau des percées politiques survenues lors de la COP 21 et explore ce que la nouvelle attention du pouvoir politique chinois aux questions écologiques a apporté à l’œuvre commune de la Conférence de Paris, au nom des Nations Unies. Enfin, elle fait le point des difficiles défis que la Chine devra surmonter pour tenir ses promesses.

*

Certes les critiques pointent du doigt des annonces qui ne sont que des déclarations d’intention, la liberté de renier les engagements, la force rémanente des énergies fossiles, la course d’obstacles qui attend les 2/3 des signataires obligés de faire ratifier l’accord par leur parlement et, enfin, la faiblesse de l’ONU qui collationne les signatures et cautionne l’optimiste des organisateurs français, mais n’a en réalité aucun moyen juridique d’obliger les signataires à respecter leur parole.

Participation active de Washington et de Pékin.

Il reste qu’avec 196 signatures, le document final qui n’est en effet pas un traité juridiquement contraignant, mais s’apparente plus à un « accord cadre » politique, crée une dynamique témoignant de la nouvelle conscience écologique du monde, enveloppée dans un sentiment d’urgence. Il tranche avec l’accord de Kyoto boycotté par les États-Unis et avec la COP de Copenhague où, en 2009, Pékin avait pris la tête d’une contestation qui refusait l’imposition d’un « pic de carbone » identique pour les pays les plus avancés et les pays en développement.

A lui seul, l’engagement des États-Unis et de la Chine, les deux plus grands pollueurs de la planète qui s’étaient déjà manifestés lors de la Conférence de l’APEC à Pékin en novembre 2014 par un accord sur le climat signé à deux, a radicalement modifié l’arrière plan politique de la conférence de Paris. Lire notre article L’apaisement de l’APEC et les hésitations du destin

A ces deux contributions majeures s’ajoute celle de l’Inde, 4e émetteur mondial de gaz à effet de serre après la Chine, les États-Unis et l’UE. Elle est essentielle quand on connaît les réticences internes, à quoi s’ajoutent les statistiques récentes qui placent l’Inde en tête des pays où la pollution s’aggrave le plus vite, devant la Chine et les États-Unis. A Paris, le premier ministre indien et François Hollande ont lancé une « alliance » destinée à promouvoir l’énergie solaire avec, en Inde, l’idée d’apporter l’électricité générée localement aux zones non desservies par les réseaux de distribution.

Activisme des financiers et de la recherche privés.

Signal très positif, les deux semaines de négociations ont été entourées par un activisme sans précédent de grands innovateurs et investisseurs privés dont les déclarations contribueront à infléchir le mouvement de la recherche scientifique et celui des gestionnaires de capitaux à la recherche de plus-values vers les nouvelles technologies des énergies propres. S’il est vrai que les financiers sont plus intéressés par les profits que par la santé de la planète, il n’empêche que la nouvelle dynamique participe d’un courant qui incite à moins de pessimisme.

Ainsi Bill Gates, très présent au Bourget, a beaucoup milité pour l’aide aux pays les moins avancés et l’abaissement du coût des technologies écologiques. Il est vrai que les 100 Mds de $ annuels (1000 Mds de $ d’ici 2030) destinés à accompagner la transition énergétique des pays les plus pauvres que tout le monde cherche depuis Copenhague, n’ont pas encore été réunis.

Mais là aussi les plaques tectoniques des inerties bougent lentement. Un comité de pilotage multinational pour la collecte des fonds a été créé dont la première réunion a eu lieu le 1er décembre au Bourget, au milieu d’un série d’initiatives qui s’ajoutent à celle de la Chine qui, en septembre dernier, avait promis de consacrer 20 Mds de Yuan (3 Mds de $) au financement de la transition énergétique des pays en développement.

D’autres actions de la société civile méritent d’être signalées comme celle de REN 21, association internationale à but non lucratif abritée par le programme des NU pour l’environnement installé à Paris et animant un réseau de suivi des progrès des énergies renouvelables dans le monde. Dernier rapport mis en ligne : REN21 Annual Report 2015

Les lignes de la confrontation nord-sud ont bougé.

Des dynamiques ont été lancées, à contre courant de celles qui, en 2009 à Copenhague, avaient retranché les positions des participants dans une guerre froide entre pays développés et pays en développement.

La première, encore timide, promue par John Key, le premier ministre de Nouvelle-Zélande avec 37 pays dont le Canada, la France, l’Allemagne, le Mexique, les Etats-Unis, le Royaume Uni et les Philippines, a été lancée au milieu des fortes réticences des producteurs de pétrole. Elle vise à inverser la logique fondée sur les prémisses que la sortie du sous-développement serait, de manière incontournable, liée aux énergies polluantes du charbon et du pétrole.

Porteur d’un projet baptisé « réforme des subventions à l’industrie du pétrole », soutenu par 23 grands groupes internationaux dont la somme des revenus dépasse 170 Mds de $ et par des institutions internationales comme l’Agence Internationale de l’Énergie, l’OCDE et la Banque mondiale, le « groupe des 37 » ambitionne d’inciter les pays, les partenaires industriels et les sociétés civiles à combattre le paradoxe de subventions accordées à des sources d’énergie polluantes, alors même que tout le monde affirme vouloir en réduire l’usage et l’empreinte.

Aux oreilles des sceptiques le communiqué du groupe sonne comme une vœu pieux. Il n’empêche qu’il signale le bouleversement des anciens paradigmes : « Nous invitons tous nos partenaires à nous aider à accélérer l’élimination complète des subventions aux énergies fossiles par une action ambitieuse et transparente qui sera une contribution majeure à la lutte contre le changement climatique ».

Une autre initiative collective témoigne que les Conférences sur le climat sont sorties du cloisonnement pays riches – pays pauvres. Taraudés par l’urgence, les esprits et les lignes bougent. Le forum des pays dits « climato-vulnérables » (en Anglais Climate Vulnerable Forum – CVF -) créé en 2009 qui regroupe 43 pays dont les plus militants depuis 2011 se sont désignés comme les « 20 Vulnérables » [1] qui vont de l’Afghanistan au Yemen en passant par nombre de pays menacés par la montée des eaux ou par la sècheresse en Afrique, ont publié une déclaration exigeant que la Conférence fixe clairement la limite du réchauffement à 1,5° C et le pic des émissions de gaz à effet des serre à 2020. Ils demandent que les énergies d’origine fossile soient éradiquées en 2050 [2].

Bonne volonté chinoise sur fond de coopération nucléaire.

Enfin un progrès de taille par rapport à Copenhague fut que, grâce à l’activisme politique du Président français, chaque pays s’est présenté à Paris avec un plan national de réduction des émissions de carbone et a accepté, en dépit de nombreuses réticences internes, que ses promesses soient révisées tous les cinq ans. Pour Pékin, cet accord qui signale une modification de l’approche chinoise, jusqu’à présent opposée à toute contrainte extérieure, a été rendu public le 2 novembre, à l’occasion de la visite en Chine de François Hollande.

En même temps, AREVA, le groupe nucléaire français en mal de cash signait 2 accords : le premier avec les géants chinois de l’énergie Huaneng et Datang pour une coopération sur le recyclage des déchets nucléaires ; l’autre avec la China Nuclear National Corporation (CNNC -中国 核工业 公司 -) préparant l’entrée de CNNC dans le capital du groupe français et ouvrant la voie à des coopérations franco-chinoises sur les mines d’uranium, le recyclage et le démantèlement des vieilles centrales.

La coïncidence entre la promesse de réajustement tous les 5 ans des objectifs de réduction d’émissions et la signature de deux accords sur le nucléaire renvoie aux intentions chinoises d’abaisser le taux de ses émanations nocives, en partie par l’augmentation massive du nombre de centrales nucléaires.

Note(s) :

[1Voir la liste

[2L’accord signé à la fin de la conférence ne répond pas à ces attentes. Il incite à une réduction des émissions de gaz à effet de serre « le plus vite possible » et fixe comme objectif de garder la température « nettement sous les 2° C, tout en poursuivant les efforts pour les limiter à 1,5° C ». La Chine quant à elle promet de réduire ses émissions à partir de 2030.


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