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Gaz de schiste. Une priorité stratégique pour la Chine et les Etats-Unis

Le dernier exemple du pragmatisme chinois, qui, confrontée à une urgente nécessité, s’adapte à toutes les contraintes, est clairement identifiable dans les projets chinois pour le développement du gaz de schiste. L’équation est simple et renvoie aux angoisses ancestrales des dirigeants : trouver les moyens et les ressources pour alimenter la croissance, clé de la légitimité du Parti. L’énergie, dont le pays est devenu le plus gros consommateur en 2010, est au centre de ce dilemme. Or, selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), les projections indiquent qu’en 2030 la Chine devra importer 79% de sa consommation de pétrole.

Pour sortir du piège énergétique qui risque de placer la Chine en situation de forte dépendance extérieure, réduisant de manière radicale sa marge de manœuvre stratégique, la solution du gaz de schiste, aujourd’hui dans tous les esprits, alimente une série d’initiatives. Celles-ci sont d’autant plus fébriles qu’elles sont à la fois sous-tendues par l’urgence énergétique, les espoirs de bonnes affaires et l’inexpérience des sociétés d’hydrocarbures chinoises dans ce secteur encore très mal balisé en Chine.

Pour Pékin, le rattrapage technologique passe par deux voies complémentaires. La première vise à entrer dans le capital de sociétés d’hydrocarbures occidentales expertes dans les « hydrocarbures non conventionnels » ; la deuxième consiste à briser le monopole des sociétés chinoises pour, en Chine, ouvrir la porte aux sociétés étrangères techniquement capables de commencer rapidement l’exploitation du gaz de schiste. Cette avancée dans l’inconnu est étroitement accompagnée par une coopération active avec les États-Unis.

En Chine les contradictions écologiques et notamment les extraordinaires quantités d’eau nécessaires à l’exploitation gaz de schiste poseront autant de problèmes et d’interrogations qu’ailleurs. Mais, séduit par le potentiel du secteur à rebattre les cartes énergétiques, le pouvoir ne renoncera pas à la bouffée d’oxygène offerte par cette nouvelle ressource qui a le double avantage de freiner la pollution et de diminuer la facture des importations.

Quête de technologies, appui officiel de Washington.

La stratégie est à l’œuvre depuis 2008. En Chine, elle se matérialise aujourd’hui par des partenariats étrangers dans un secteur jusqu’à présent étroitement contrôlé par le Parti, où l’on voit quelques grands groupes occidentaux comme Shell, Chevron, Exxon Mobil et British Petroleum à l’œuvre au Guizhou et au Sichuan en « Joint Ventures » avec les groupes chinois.

Aux strates supérieures de la planification stratégique, accompagnant les transferts de technologies et de savoir-faire, le gouvernement et les pétroliers américains sont presque seuls à la manœuvre avec les autorités et les experts chinois du secteur. il est évident que cette proximité n’est pas sans arrières pensées, Washington ayant intérêt à contribuer à réduire la dépendance de la Chine au gaz russe.

Depuis 2009, année du lancement par Hu Jintao et Obama de « l’US – China shale gaz ressource initiative », plusieurs séminaires techniques ont été organisés en Chine (Qingdao, Chengdu) et aux États-Unis (Fort Worth – Texas), auxquels il faut rajouter une session de travail conjointe organisée à Pékin par le Département d’Etat en avril 2010, l’intérêt partagé pour le secteur ayant été enfin confirmé en mai 2012, à l’occasion de la session annuelle du dialogue économique et stratégique entre les deux pays (Lire Prospects for Shale Gas Development in Asia, fichier pdf).

Dans le même temps, le ministère des ressources foncières et minières mettait sur pied un plan quinquennal de développement du gaz de schiste, différent de celui établi pour les hydrocarbures conventionnels. Il avait en effet la particularité d’autoriser les JV avec les sociétés étrangères, avec cependant la contrainte que seuls les groupes chinois pourraient répondre aux appels d’offre.

A l’étranger, appuyées par les banques publiques, les groupes d’hydrocarbures chinois achètent ou prennent des parts dans des sociétés spécialisées dans les gaz de schistes. Par exemple, entre novembre 2010 et janvier 2011, CNOOC a fait l’acquisition des parts de l’Américain Chesapeake Energy Corporation dans le sud du Texas (1,8 Mds de $) et de 30% du projet de gaz de schiste de Niobrara au Colorado et au Wyoming, appartenant également à Chesapeake (570 millions de $).

En janvier 2012, Sinopec a racheté 1/3 de 5 projets d’exploration de Devon pour 900 millions de $. Enfin, s’il fallait une preuve de l’importance que Pékin accorde au secteur des hydrocarbures non conventionnels, il suffirait de se souvenir qu’en 2012, pour racheter le Canadien Nexen, spécialiste du gaz de schiste depuis 2006, opérationnel en Colombie britannique, en Pologne et en Amérique du Sud, CNOOC avait mis sur la table 15,1 Mds de $, soit 2 fois et demi les offres des autres acheteurs potentiels.


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Par Caligula Le 30/03/2013 à 22h47

Gaz de schiste. Une priorité stratégique pour la Chine et les Etats-Unis.

« le pouvoir ne renoncera pas à la bouffée d’oxygène offerte par cette nouvelle ressource qui a le double avantage de freiner la pollution et de diminuer la facture des importations. »

Freiner la pollution...celle dûe à la combustion du charbon, oui ; mais il ne faudrait pas oublier celle induit, par la fracturation hydraulique utilisée pour exploiter le gaz de schiste.
Certes, les études menées sur ce type d’exploitation, ne donnent pas toutes les mêmes résultats. Mais force est de constater que nous n’avons pas suffisament de recul pour avoir une vue d’ensemble des effets à long termes.
Cela dit, et comme vous le faites remarquer dans votre article, le principal souci est la consommation (énorme) d’eau, d’autant plus que celle-ci n’est pas réutilisable, car non récupérable et quand bien même son retraitement pour la purifier coûterait un bras. D’ailleurs, aux USA certains groupes écologistes (mais pas que) commencent à donner de la voix, même si pour le moment ils sont considérés comme des « illuminés ».
Mais dans l’ensemble, on assiste à une augmentation du nombre de projet d’exploitation de ces gaz. En Europe, l’Allemagne, récemment, mais aussi l’Italie se penchent sur la question. Et pour compléter le tableau, j’ai lu sur un site (2000 Watts) que l’Arabie Saoudite prévoyait d’avoir recours à cette énergie pour éviter de trop « pomper » dans ses réserves, qu’elle garde pour l’export.
Ce qui serait intéressant à savoir : Que pense les dirigeants chinois du fait d’être obligé de passer par des entreprises étrangères, principalement américaine, pour pouvoir lancer l’exploitation ? Je conçois que ce ne sera pas la première fois que cela arrive, mais là, on touche à un secteur sensible.

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