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›› Technologies - Energie

Huawei fragilisé.Nokia et Ericsson reprennent des couleurs. Bataille au couteau des nouveaux venus chinois du portable

Le 12 octobre dernier, revenant sur la brutale guerre technologique sino-américaine, deux éditorialistes de Nikkei décortiquaient l’ampleur des dommages infligés à Huawei par l’embargo américain, analysés par notre article du 1er septembre. Lire : Huawei sévèrement touché, mais pas coulé. La guerre sera longue et difficile.

Lire l’article de Nikkei par Norio Matsumoto et Naoki Watanabe : Huawei’s base station teardown shows dependence on US-made parts

Près de 30% de la valeur des composants des relais 5G de Huawei sont en effet tributaires des technologies américaines. C’est ce qu’indique le décorticage des équipements 5G du Chinois assurant la transmission du signal vocal vers et depuis les téléphones mobiles.

Même les composants fournis par le shanghaïen HiSilicon portent la marque du Taiwan Semiconductor Manufacturing Co. (TSMC), n°1 mondial des microprocesseurs qui équipe également Apple et fabrique lui-même ses microprocesseurs sous licence américaine.

L’inventaire détaillé des composants révèle la présence cruciale des fabricants américains dont Texas Instruments (contrôle de la source d’énergie, vital pour les relais), Broadcom (mémoire), Analog Devices (amplis), Intel et Xilinx (microprocesseurs).

Les autres sources arrivant en 2e position dans les équipements de Huawei sont le sud-coréen Samsung Electronics et, dans une moindre mesure, les japonais TDK, Seiko Epson et Nichicon.

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Jusqu’à présent, grâce aux composants importés, Huawei s’est, à des prix parfois inférieurs de 40% à ceux de ses concurrents, taillé 30% du marché global des équipements d’infrastructure télécoms devant Nokia et Ericsson. Sa présence en Afrique et dans d’autres parties du monde est aujourd’hui solidement assurée.

Mais la troisième offensive de Washington entrée en vigueur le 14 septembre est un coup dur. Elle interdit l’utilisation non agrée de tous les composants portant une technologie américaine. Depuis cette date, TSMC et HiSilicon ont stoppé leurs ventes à Huawei.

L’embargo de Washington frappe le Chinois au cœur de ses projets 5G et de son offre de téléphonie mobile. Si, pour l’instant, il continue à produire grâce à deux années de stocks accumulés qui constituent sa marge de manœuvre, à ce stade, il n’a pas communiqué sur d’éventuelles solutions de rechange dont l’efficacité serait comparable à celles des équipements américains.

En attendant, la perspective de la moins grande disponibilité des équipements Huawei sur le marché éclaircit l’horizon de la concurrence.

Les concurrents de Huawei prennent des couleurs.

Le japonais SoftBank Corp. qui, depuis 2015 s’est investi dans l’infrastructure télécoms fixe, également devenu un fournisseur d’accès Internet a décidé d’abandonner les composants Huawei pour ses relais fixes. Son concurrent Rakuten envisage de s’appuyer sur NEC et d’autres fournisseurs américains comme Altiostar Networks.

En Europe, Huawei a perdu ses perspectives en Grande Bretagne où ses équipements devront être démontés d’ici 2027. En Allemagne, après deux années de tergiversations, la coalition au pouvoir a, fin septembre, augmenté les restrictions frappant les équipements 5G du Chinois pour prévenir « les risques de sécurité ». Selon le Handelsblatt, les contraintes ont atteint un tel niveau qu’il sera difficile pour Huawei de rester présent sur le marché allemand.

Alors que l’Espagne et le Portugal n’ont pour l’instant installé aucune restriction, l’ostracisme contre le Chinois s’est étendu en France où Bouygues Telecom a annoncé qu’il allait démanteler 3000 antennes Huawei d’ici 2028.

Les mesures qui frappent le n°1 chinois sont une aubaine pour les rivaux, dont les prix étaient jusqu’à présents un obstacle face à ceux du Chinois. Bell et Telus, deux des plus gros opérateurs Canadiens ont choisi Ericsson et Nokia pour leurs équipement 5G.

A son habitude, Ren Zhengfei, le très charismatique patron de Huawei dont la fille Meng Wanzhou, 48 ans, en résidence surveillée à Vancouver a, fin mai dernier, été déboutée d’une requête en annulation de la procédure d’extradition vers les États-Unis [1], a exprimé un profond pessimisme, teinté d’autodérision.

« Le groupe Huawei peut encore grossir ou péricliter. Il peut même mourir. Vous viendrez déposer une fleur sur sa tombe ».

N’exagérons rien. Le coup est sévère, mais en août 2020, Huawei était encore n°1 mondial des relais 5G avec 28,5% du marché devant Ericsson (26,5%) quand Nokia était 3e à 22%.

S’il est vrai que le groupe de Ren Zhengfei est en mauvaise posture sur le marché occidental, il n’en reste pas moins qu’en attendant de trouver une parade technologique, il a toujours des clients dans le tiers-monde, notamment en Afrique et en Amérique Latine. Surtout, il dispose toujours de la vaste marge de manœuvre du marché chinois de la 5G où ses concurrents ne sont pas de taille.

Xiaomi, Oppo et Vivo.

A l’international cependant, alors que le n°1 chinois fait face à d’importants déboires, des nouveaux venus pointent leur nez. Xiaomi, déjà connu, Oppo et Vivo.

Mais comme leur collègue, ils utilisent eux aussi les composants américains ou fabriqués sous licence américaine que sont le système d’exploitation (Windows, Mac, Androïd, Linux – américano-finlandais -) et les processeurs (TSMC, AMD, Intel, Nvidia et Qualcom).

Après Xiaomi, le fabricant de portables Oppo n°2 en Chine avance ses pions avec l’intention de conquérir d’ici 2021, 5% du marché en Europe où le champion toutes catégories est Samsung avec 35% des parts, loin devant Apple à 17%.

A la mi-octobre, Oppo déclarait avoir signé un accord avec Deutsche Telekom pour vendre ses portable 5G de la série Reno 4 en Allemagne, aux Pays Bas et en Pologne. Après deux années d’engagement en Europe, la société a déjà investi 3% du marché, ce qui la place au 5e rang grâce à ses accords avec des opérateurs de 1er rang comme Deutsche Telekom, l’Anglais Vodafone, l’Espagnol Telefonica et le Français Orange.

Dans le même temps, les parts de marché de Huawei reculaient en une année de 22 à 16%, tandis que celles du troisième acteur chinois Xiaomi passaient de 6 à 13%. Oppo vise aussi le Japon où il s’est allié à KDDI et Softbank pour vendre ses portables sur le marché très compétitif de la 5G mobile au Japon.

Le groupe dit fabriquer 80% de ses composants lui-même dans des bases industrielles réparties sur les marchés en Indonésie, au Bangladesh et en Inde, ce qui, dit le n°2 du groupe Allen Wu, lui a permis de mieux résister aux cloisonnements sanitaires de la pandémie.

Les prévisions pour 2021 envisagent une hausse des ventes à l’export de 38% passant de 118 à 164 millions de portables. Xiaomi et Vivo (portables haut de gamme) prévoient également une hausse de leurs ventes de 30 à 46%, tandis que les experts du marché estiment qu’à la fin de 2020, les parts de Huawei auront plongé de plus de 60%. Lire aussi la fiche technique de Vivo.

Le moins qu’on puisse dire est que le secteur est entré en effervescence, agité par la concurrence des groupes chinois entre eux. En arrière plan reste cependant la domination, pour l’instant sans partage, des fabricants américains des composants essentiels que sont les microprocesseurs.

Le rattrapage chinois est en cours. Il sera long et difficile.

Certes, nous le précisions dans notre article du 1er septembre, les attaques directes américaines incitent Huawei à réagir. Mais le groupe chinois vient de loin et le retard technologique est important. Selon David Igue (Phonandroid.com), l’objectif serait de produire un premier microprocesseur Huawei d’ici la fin de l’année 2020.

Il reste que sans l’apport de la technologie américaine, les modèles « commencent au bas de l’échelle » dit David Igue, avec une finesse de gravure de seulement 45 nm (nanomètre) –performance déjà atteinte par Intel en 2006 -, alors que les produits de pointe visent aujourd’hui des finesses de 5 nm, comme le « Snapdragon 875 » fabriqué par TSMC attendu pour 2021.

Samsung, Qualcomm, Apple ne sont pas loin avec des performances de 7 nm, tandis que TSMC et Samsung travaillent sur une puce de 2 nm.

Même s’il est vrai que les progrès des procédés de fabrication réduiront les délais de rattrapage, il est très peu probable que les nouvelles puces de Huawei se rapprochent des produits de pointe des constructeurs taïwanais et coréens d’ici les 5 prochaines années.

Note(s) :

[1Augmentant encore d’un cran la tension entre Ottawa et Pékin qui a fait détenir en représailles plusieurs citoyens canadiens dont quatre ont été condamnés à mort pour trafic de drogue, la Juge Heather Holmes de la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait statué que le délit de fraude dont était accusée Meng Wanzhou valait à la fois au Canada et aux États-Unis.

En conséquence la demande d’annulation de ses avocats au motif que le délit reproché à Meng Wanzhou aux États-Unis n’en était pas un au Canada, a été rejetée. La procédure d’extradition pouvait donc être poursuivie. Si on se souvient qu’au Canada, plus de 90% des demandes d’extradition vers les États-Unis aboutissent, on peut prévoir que la tension entre Ottawa et Pékin s’aggravera encore.

Lire : Chine, Etats-Unis, Canada, « Diplomatie de la peine de mort » : Ren Zhengfei, le PDG de Huawei sort de son silence et La Chine condamne à mort un quatrième Canadien.


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