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La reprise se confirme au milieu d’une baisse des investissements extérieurs. Les ténors taïwanais de l’assemblage high-tech cherchent des alternatives à la Chine

Baisse des investissements privés. Les sous-traitants de la haute technologie à la recherche d’alternatives.

La tendance est claire, selon les chiffres officiels chinois de la balance des paiements, les investissements directs en Chine entre juillet et décembre 2022 (42,5 Mds de $) ont baissé de 75% par rapport à l’année précédente, la plus importante chute depuis 20 ans où, entre 2000 et 2022, la moyenne des IDE annuels en Chine a, sans faiblir, dépassé 150 Mds de $.

Parmi les exemples les plus significatifs on trouve les sous-traitants taïwanais d’Apple comme Foxconn, Quanta et Pegatron dont les regards se sont récemment portés vers l’alternative Vietnamienne. La tendance a récemment fait l’objet d’une analyse de Asia Nikkei.

Le but de la migration vers l’un des principaux rivaux de la Chine en Asie est non seulement affairiste, à la recherche d’une main d’œuvre moins chère [3], mais également politique en quête d’un environnement géopolitique plus rassurant.

En avril, Quanta Computer, principal fabricant sous contrat des ordinateurs MacBook d’Apple, (Sept emprises majeures de production et de logistique en Chine dont Shanghai et Chongqing) signait un accord pour construire sa première usine vietnamienne dans la province de Nam Dinh, au Tonkin, 80 km au sud-ouest de Haïphong.

« Nous sommes fermement déterminés à mener à bien ce projet (…) Notre intention est de démarrer la nouvelle usine le plus rapidement possible. ». C’est ce que déclarait lors de la signature, le Taïwanais CT Huang, chargé de conduire l’implantation au Vietnam par le milliardaire taïwanais Barry Lam, 74 ans, PDG et fondateur du groupe.

La stratégie alternative visant à échapper en partie à la solution univoque d’une implantation en Chine, fermente depuis des années chez les responsables industriels asiatiques. Elle avait reçu une première impulsion en 2018 au moment des taxes douanières imposées par D. Trump frappant les exportations chinoises destinées au marché américain.

Quatre ans plus tard, le groupe Quanta mesurait les risques de sa concentration industrielle en Chine où en 2022, ses affaires lui avaient pourtant permis d’engranger annuellement plus ou moins 40 Mds de $ du produit de ses ventes. Le très brutal confinement covid-19, qui l’obligea à fermer l’usine de Shanghai et à mettre à pied 40 000 employés, désorganisant ses chaînes de production, retarda de plusieurs mois ses livraisons des ordinateurs MacBook-Pro à Apple.

Dans ce contexte, le choix de relocaliser une partie de la production au Vietnam, constitue une inflexion qui sans être radicale, vise tout de même à porter en quelques années la production réalisée hors de Chine à 30%.

L’attractivité du Vietnam.

FOXCONN, l’assembleur géant des « iPhones » d’Apple massivement implanté en Chine, est sur une ligne semblable à celle de Quanta Computer.

Dans une stratégie industrielle où l’appât du gain domine tout, il avait une première fois été pointé du doigt en 2010 pour ses conditions de travail abrutissantes après une vague de treize suicides de ses employés en moins de dix jours, douze heures par jour, six jours par semaine, pour 1300 yuans par mois [156 euros].

En novembre 2022, au moment des tensions socio-politiques générées par le confinement prolongé et sans souplesse imposé par l’appareil, il avait une nouvelle fois fait la une de l’actualité. Cette fois c’était l’implacable rigueur du confinement qui fut à l’origine d’une rébellion de la main d’œuvre. Lire : Les tensions psychologiques et sociales de l’extrême rigueur épidémique.

Pour réagir au risque politique et préserver ses marges fondées sur l’exploitation de la main d’œuvre, dont les avantages sont grignotés par la hausse des salaires en Chine, Terry Gou, 73 ans, le PDG taïwanais de Foxconn vient d’investir dans la province vietnamienne de Bac Giang, au nord de Hanoï, sur un site de 45 hectares. L’accord qui court jusqu’en 2057, doit également permettre de délocaliser 30% de sa production hors de Chine d’ici 2025.

Au passage rappelons que, dans le contexte où à la rédaction de cette note, le vieux parti nationaliste taïwanais n’a toujours pas déclaré son candidat officiel, Terry Gou a fait savoir en avril qu’il sera en 2024 à nouveau prétendant à l’investiture du KMT quatre années après un premier échec à la présidentielle de 2020 éliminé lors des primaires du Parti par Han Kuo-Yu.

Pegatron, (trois implantations en Chine à Chongqing, Suzhou et Shanghai), déjà présent en Inde, lui aussi assembleur des iPhones d’Apple, qui avait été, en 2014, quatre ans après la vague de suicides chez Foxconn également mis sur la sellette par la BBC pour des conditions de travail déplorables, vient d’augmenter sa présence au Vietnam où il est présent depuis 2019, avec l’intention d’y déménager son centre de R&D depuis la Chine.

Selon les experts de Trend Force, un groupe taïwanais de prospective de marché qui note aussi une vague de délocalisation vers l’Inde, d’ici 2028, 30 à 35% de tous les iPhones seront produits hors de la Chine.

Des changements se produisent également dans le secteur des cartes de circuits imprimés en résine et cuivre, dont la production, encore à 50% réalisée en Chine, a commencé à migrer de la région de Wuhan vers la Thaïlande.

Globalement, toujours selon Trend Force, le durcissement des tensions dans le Détroit fait qu’au cours du premier trimestre 2023, plus de 90% des investissements directs réalisés par des entreprises taïwanaises sont allés dans des pays autres que la Chine continentale.

*

Au bilan, après 2021 où la croissance de 8,1% fut une des plus rapides de la planète, soutenue par des mesures de relance et la stimulation de la consommation intérieure, le fort tassement de la croissance en 2022 à moins de 3% est le résultat cumulé de plusieurs influences :

1) Les facteurs structurels liés aux efforts de réajustement qualitatif du paradigme de croissance ;

2) Une intervention brutale de l’exécutif pour brider les dérives financières des géants du numérique ;

et 3) Le recul des investissements étrangers en Chine, dont un des exemples les plus emblématiques est le reflux partiel des groupes taïwanais du secteur numérique sous-traitant des géants mondiaux des ordinateurs et des téléphones portables.

Au cours des premiers mois de 2023, la croissance de la production industrielle à +3,9% en mars et la reprise spectaculaire de la consommation observée au cours de la semaine d’or de la fête du printemps, ont été les principaux facteurs de la croissance à +4,5%, supérieure aux prévisions.

En revanche, la stagnation de l’investissement privé reflété notamment par les difficultés de l’immobilier dont seulement une partie des développeurs gardent la tête hors de l’eau [4], contribue à une préoccupante montée du chômage des jeunes de 16 à 24 ans ayant atteint 20,4% en avril, en hausse de près d’un point par rapport à mars.

En même temps, la tendance générale de la jeunesse préférant rechercher un emploi dans le secteur public, indique une érosion de la confiance et un recul de l’esprit d’entreprise. Le phénomène conforte l’idée que la reprise observée, fruit d’une série de relances publiques mais d’où l’investissement privé est absent, n’est qu’un rattrapage dans une tendance générale déflationniste.

Au plus haut niveau de l’État, l’inquiétude est compensée par l’importance de l’excédent commercial à plus de 870 Mds de $ (chiffre du premier trimestre) source de réserves de change stables à 3200 Mds de $ en avril. Appréciable filet de sécurité en cas de coup de tabac économique, il s’ajoute à celui du stock d’or de la banque de Chine en augmentation à 132 Mds de $ en avril.

Note(s) :

[3Pour les capitaines d’industrie taïwanais qui firent fortune en sous-traitant l’assemblage des grandes marques américaines, japonaises et sud coréennes de la haute-technologie au prix de conditions de travail épuisantes de la main d’œuvre chinoise, les conditions de salaire offertes au Vietnam sont parmi les premières incitations à délocaliser leurs productions hors de Chine.

Alors qu’au Vietnam les salaires mensuels sont en-dessous de 300 $, ils dépassent souvent 600 $ en Chine.

Au moins autant que les incertitudes politique du climat des affaires, ce décalage du simple au double est le principal moteur du désamour pour les implantations en Chine des groupes d’assemblage taïwanais.

Leurs donneurs d’ordre du secteur, américains, sud-coréens, japonais et hollandais (IBM, HP, Dell, Apple, Intel, Microsoft, Motorola, Cisco, Nintendo, Sony, LG Group, Samsung et Nokia) sont depuis longtemps sur cette ligne. La lourde main politique de Xi Jinping fut le déclencheur d’un mouvement qui fermentait sous la surface.

[4Selon une étude de Fitch Ratings, au premier trimestre, le secteur a montré des signes de stabilisation, favorisé par les mesures de soutien public. Cependant seuls les promoteurs les moins endettés seront les bénéficiaires de la dynamique de reprise, tandis que la baisse de confiance des acheteurs ralentit le rétablissement du marché.


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