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›› Editorial

Le système Xi Jinping. Resserrer le pouvoir, renforcer la capacité de contrôle politique du Parti. Redresser les comportements

Liu He, l’ami du Président contre les conservateurs.

Page 65, le rapport « China 2030 » pointait du doigt les responsabilités de l’oligarchie affairiste dans le blocage des réformes : « le groupe qui résistera le plus aux réformes sera, sans conteste, celui des intérêts corporatistes, tels que les entreprises en situation de monopole sur leur marché, les groupes, institutions ou personnes qui bénéficient de privilèges particuliers ou de traitements préférentiels rendus possibles par l’actuel fonctionnement du pouvoir et des institutions (…). »,

et plus loin : « Ces groupes, qui profitent de rentes de situations découlant de leurs relations privilégiées avec les décideurs politiques, protègeront résolument leurs intérêts grâce à leur pouvoir, leurs ressources et leurs connexions. Pour surmonter ces obstacles, le gouvernement devra, à son plus haut niveau, faire preuve de courage, de détermination, de clarté dans l’exposé de ses objectifs et d’un grand charisme politique ».

Nouvelles structures pour gagner les « Trois Batailles »

A côté du resserrement administratif regroupant des compétences et réduisant clairement les pouvoirs de la Commission Nationale de la Réforme et Développement (CNRD) connue pour ses résistances conservatrices [2], l’architecture du contrôle macro-économique visant à maintenir l’élan des réformes est relayée vers le bas par deux organes dépendant du Parti :

1) La Commission Centrale d’approfondissement des réformes (中央全面 深化 改革委员会 zhongyang quanmian shanhua gaiga waiyuanhuì). Créée en 2013 est dirigée par Xi Jinping en personne, englobant plusieurs sous-commissions dirigées par des membres du Bureau Politique, sa mission dépasse clairement les aspects techniques et touche non seulement à la restructuration économique mais aussi à la relation politique entre le pouvoir et la société.

2) La Commission Centrale des finances et de l’économie (CCFE - 中央 财经 委员会 zhongyang caijing waiyuanhui), réunie pour la première fois le 2 avril, dont la mission immédiate est de limiter les risques financiers, de réduire progressivement l’ampleur des relances budgétaires et de stabiliser l’économie. Ces objectifs techniques sont cependant indissociables des soucis sociaux et politiques de réduction de la pauvreté et de lutte contre la pollution.

Dans un discours prononcé le 2 avril lors de la première réunion de la CCFE à laquelle assistaient également Li Keqiang, Wang Yang, Wang Hunning et Han Zheng, le Président a associé ces priorités à la fois techniques sociales et politiques en les désignant comme les objectifs de “trois dures batailles” 三场 艰难 的 战役 san chang jiannan de zhanyì).

Aux postes clés de cette organisation centralisée et verticale se trouvent de nouveaux hommes de confiance aux compétences reconnues mais dont la liberté de manœuvre reste étroitement contrôlée par le Parti.

Les « soldats » de la finance.

Le nouveau ministre des finances, Liu Kun, 62 ans, né dans la province de Canton est un expert du budget ayant plus de 30 ans d’expérience à la gestion des finances de sa province natale dont il fut aussi le n°2 du Parti. Avant d’être affecté au contrôle des finances publiques à l’ANP, il a occupé pendant 3 ans (2013 – 2016) le poste de vice-ministre aux côtés de Lou Jiwei.

Moderne et dynamique, ouvert à plus de liberté fiscale accordée aux provinces, à l’investissement des revenus fiscaux dans des sociétés de gestion à “capital risque”, son mandat sera clairement de relancer la réforme fiscale à l’arrêt depuis 2014, de réduire les dettes des administrations locales et de réguler le transfert de ressources de l’État vers les provinces et des provinces riches vers les plus pauvres.

*

Pour remplacer Zhou Xiaochuan en poste depuis 17 ans au cœur des finances chinoises à la tête de la Banque Centrale avec la double casquette de Directeur de la Banque et de secrétaire du Parti, on trouve aujourd’hui un attelage de deux hommes.

Yi Gang, 60 ans, technicien d’expérience, formé aux États-Unis où il a obtenu un Doctorat en économie (Université de l’Illinois) et où il a exercé comme professeur associé (Indiana) est le nouveau Directeur. Ouvert au marché ayant plusieurs foi représenté la Chine dans des réunions au FMI ou à la Banque Mondiale, Yi a cependant deux fragilités soulignées par Barry Naughton (CLM n°56) : son audience au sein du Parti est faible puisqu’au 19e Congrès il n’a obtenu qu’une place de suppléant au Comité Central ; surtout sa longue expérience américaine le rend suspect au sein de l’appareil.

La Banque Centrale à « deux têtes ».

Telles sont les raisons probables derrière la nomination, peu de temps après l’affectation de Yi Gang, de Guo Shuqing, 62 ans comme Secrétaire Général du parti de la Banque Centrale et à la tête de Commission de Régulation Bancaire qui, depuis l’ANP de mars, englobe aussi la Commission de régulation des assurances.

La nomination de Guo Shuqing, apparatchik discipliné et sans état d’âme, envoie un signal clair à la nébuleuse de la “finance grise” creuset des dérapages qui viennent de conduire en prison pour 18 ans Wu Xiaohui le PDG des assurances ANBANG dont QC avait suivi de près les extravagances et la chute (lire : La nouvelle agressivité des groupes chinois à l’international mise en perspective. et L’arrestation du PDG des assurances Anbang, pointe émergée du labyrinthe financier et politique chinois.).

Dans ce contexte de remise en ordre et de lutte contre la « finance grise », le mandat de la nouvelle équipe à la tête de la Banque Centrale sera à la fois de maintenir le flot des liquidités disponibles pour éviter un assèchement brutal du crédit, et de contrôler les flux par des mesures de freinage (augmentation les taux d’intérêt, hausse du taux des obligations de entreprises publiques).

En même temps – « rocher de Sisyphe » des finances chinoises -, la Banque Centrale cherchera à enrayer l’engouement pour les fonds de gestion d’actifs (9000 Mds de $ estimés par Bloomberg en 2016), dont 50% recèlent des risques largement sous estimés par le public chinois toujours persuadé que l’État viendrait au secours des fonds en difficultés.

*

A côté de l’offensive contre les résistances conservatrices identifiées dès 2012 par Liu He dans le rapport « China 2030 » et des efforts pour « l’approfondissement des réformes – 深化改革- » dans lesquels Xi Jinping s’implique personnellement notamment pour contrôle des dérapages financiers ; à côté de la réduction de la pauvreté et de la lutte contre la pollution devenues des critères de légitimité du pouvoir, le deuxième volet du resserrement politique, fond de tableau remarquable de l’action du n°1 du Parti depuis 2012, est la bataille pour l’éthique et la lutte contre les corrompus.

Note(s) :

[2Renforcement des compétences du Ministère des ressources naturelles 自然 资源部 (ziran ziyuanbu) désormais également en charge des ressources hydriques, englobant aussi les responsabilités du ministère des ressources foncières, une partie de celles de la Commission de la Réforme et Développement (CNRD) et celles Ministère de l’agriculture liées à l’aménagement du territoire à quoi s’ajoutent les anciennes prérogatives du ministère de la construction liées à l’aménagement urbain.

La CNRD cède aussi ses compétences sur le climat au Ministère de l’environnement et de l’écologie (环境 与 生态 部 Huanjìng yu shengtai bu). Quant au Ministère des Sciences et des Technologies (科技部 kejibu), il prend le contrôle de la Fondation des Sciences Naturelles et du Bureau des Experts étrangers.

Enfin l’organe gouvernemental de régulation du marché (市场 监管 国家 管理局 shichang jianguan guojia guanli ju) prend sous sa coupe le contrôle de la qualité de l’alimentation et des produits pharmaceutiques, la régulation des prix (jusqu’ici aux mains de la CNRD) et la lutte contre les monopoles auparavant éclaté entre la CNRD, le ministère du commerce et une commission ad-hoc. (Barry Naughton. China Leadership Monitor n°56)


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