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« Nouvelles routes de la soie ». Point de situation

Le 26 avril dernier eut lieu à Pékin le 2e sommet des routes de la soie auquel assistèrent 37 chefs d’État et de gouvernement. Le seul examen de la qualité des présents peut déjà donner une indication du niveau d’adhésion ou d’attention [1] à cette entreprise dont il faut encore une fois et sans préjuger des résultats à terme, souligner l’ampleur et le caractère inédit.

Alors que près de 2000 chantiers d’infrastructure de transport terrestre ou maritime, de production d’énergie, de logistique portuaire et d’aménagement des territoires ont été lancés dont le financement annuel estimé atteint près de 20 Mds de $, on constate qu’à l’exception du Turkmenistan et de l’Inde, tous les pays de l’ASEAN, de l’Asie Centrale et du Sud, y compris l’Afghanistan et le Pakistan étaient représentés au plus haut niveau par des chefs d’État et de gouvernement.

En Afrique, en revanche, en dépit d’une explosion des investissements chinois depuis 10 ans dont le stock a été multiplié par 10 pour atteindre aujourd’hui 300 Mds de $ - équivalent au stock des investissements européens - et dont 50% sont directement liés aux routes de la soie, une part majeure (17 %) étant dédié au Nigeria avec 50 Mds de $, seuls étaient présents au plus haut niveau Omar Guelleh (Djibouti), Al Sisi (Egypte), Ahmed Ali (Ethiopie), Uhuru Kenyatta (Kenya) et Filipe Nyusi (Mozambique).

Venant d’Europe souvent représentée par les ministres des Affaires étrangères ou des finances (Royaume Uni) et de l’économie pour l’Allemagne, les seuls chefs d’État ou de gouvernements présents étaient les Présidents serbe Aleksandar Vucic, biélorusse Lukashenko, chypriote Anastasiades, le portugais De Sousa, le Tchèque Milos Zeman, le Chancelier autrichien Sebastian Kurz, avec le PM Hongrois Viktor Orban, l’Italien Giuseppe Conte et le PM grec Alexis Tsipras, lui-même accompagné du ministre des Affaires étrangères Katrougalos.

D’Amérique Latine s’étaient déplacés le Président chilien Sebastien Pinera Etchenique, homme d’affaires fortuné ayant travaillé pour la Banque Mondiale et le Ministre des affaires étrangères argentin Jorge Faurie accompagné de son collègue de l’agro-industrie Luis Etchevehere.

La Corée du sud avait envoyé le ministre des finances Hong Nam-ki, tandis que David Parker, Ministre du commerce et de la croissance des exportations, représentait la Nouvelle Zélande et Gladys Bejerano Portela, Ministre de l’audit et du contrôle était l’envoyée de Cuba.

L’Inde et les États-Unis absents. Tokyo en recherche d’apaisement.

L’Inde toujours au refus à cause de la proximité de Pékin et de ses projets avec le Pakistan dans la zone contestée du Cachemire avait décliné l’invitation ; Washington était sans surprise représenté au plus faible niveau possible du gouverneur de Californie.

En revanche, malmené par D. Trump, le Japonais Shinzo Abe était dans la poursuite de ses efforts d’apaisement avec Pékin, en vue de la venue de Xi Jinping au G.20 d’Osaka les 28 et 29 juin prochains. A cet effet, il avait dépêché son envoyé spécial Toshihiro Nikai, 80 ans, qui fut très proche de Koizumi dont il était le conseiller pour les Affaires stratégiques.

Après plus de 8 années de tensions, la prochaine visite de Xi Jinping à Osaka et les visites croisées de Li Keqiang au Japon en mai dernier (lire : Visite de Li Keqiang au Japon. Les lignes bougent-elles ? )et celle de Shinzo Abe à l’automne 2018 à Pékin (lire : Shinzo Abe à Pékin. Au-delà des apparences.), indiquent que la relation Tokyo - Pékin entre peut-être dans une de ces phases d’apaisement émaillant régulièrement leur histoire heurtée depuis la fin du 19e siècle.

A côté des 5000 visiteurs et des 150 officiels invités ayant participé au forum, où étaient présents Christine Lagarde (FMI), Antonio Guterres (ONU) et le slovaque Maros Sefcovic Vice-président de la Commission Européenne, le Moyen-Orient n’était représenté que par Sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum Vice-Président et Premier ministre des Emirats arabes unis.

*

Dans cette zone en effervescence dont, menaçant l’Iran, s’approche le groupe aéronaval américain du Porte-avions Abraham Lincoln, tandis que la rivalité entre la Chine et les États-Unis s’enflamme, Pékin tente le difficile défi de se tenir à égale distance de Ryad et de Téhéran (lire : Mohammed Ben Salman, la Chine, l’ONU, Masood Azhar, l’Asie du sud et l’Iran.)

De même, le Bureau Politique s’applique à développer des relations à la fois avec les Palestiniens et Israël (China Railways a planifié de construire une ligne TGV entre Tel Aviv et Eilat).

En réalité, encore néophyte dans la région qui fut pourtant sur la trajectoire des anciennes routes de la soie, la stratégie de Pékin est directement alignée sur celle de Moscou, préoccupé d’abord de protéger sa position à Damas. Seulement en 2011 et 2012 Pékin et Moscou avaient bloqué ensemble par leurs vétos, 5 propositions de sanctions contre Damas, tandis qu’un autre veto enterrait définitivement le plan de paix de Koffi Annan.

Note(s) :

[1La différence entre « adhésion » et « attention » désigne la nuance entre d’une part l’enthousiasme et d’autre part l’intérêt circonspect, la limite entre les deux n’étant pas figée. Ainsi l’opinion de certains comme le Président philippin Dutertre, le Malaisien Mahatir, le Pakistanais Imran Khan a t-elle, sous la pression de leur opinion publique ou/et animée par une prise de conscience nouvelle, migré de « l’enthousiasme » vers « l’intérêt circonspect ».
A Hanoi représenté à Pékin par le premier ministre N’Guyen, autre pays opposé avec Kuala Lumpur et Manille aux prétentions de Pékin sur toute la Mer de Chine du sud, l’adhésion aux nouvelles routes de la soie n’a jamais été que formel.

Notons la situation particulière de la Birmanie où les relations du pouvoir militaire avec Pékin furent récemment mises sous tension. Le pays était représenté à Pékin par Aung San Suu Kyi, ayant triomphé aux élections présidentielles de 2015, mais empêchée par la Junte d’accéder à la qualité de Chef de l’État où le pouvoir reste contrôlé par les militaires. Après la mise en sommeil du barrage de Myitsone en 2017, tout indique que Rangoon fait payer à Pékin maître d’œuvre des travaux, le prix fort pour le passage vers le Yunnan des deux conduites de gaz et de pétrole entrées en service en 2014 et 2017.

Enfin, l’absence du président Indonésien Widodo représenté par son Vice-président rappelle que la grande puissance musulmane de 263 millions d’habitants contrôlant avec la Malaisie les détroits méridionaux et l’accès vers le Pacifique sud, l’Australie et l’Afrique de l’Est, entend garder une distance de sécurité avec Pékin dont les prétentions de souveraineté sont considérées par Jakarta comme une menace potentielle sur sa ZEE et le gisement de gaz des Natuna.

Lire « Résistances de Hanoi » et « Jakarta se rebiffe »


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