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Quand Apple vacille en Chine, les affaires de Huawei explosent. Premières passes-d ’armes des surenchères de l’intelligence artificielle

A la mi-avril, Tim Cook, à gauche, PDG d’Apple, cherchait de nouvelles marges de manœuvre commerciales et industrielles au Vietnam, tandis que ses ingénieurs préparent le forum annuel des développeurs en juin en explorant les capacités de l’Intelligence artificielle « générative ». Sur ce terrain, la Chine n’est pas en reste. Le 27 avril, à Zhongguancun au Nord-Ouest de Pékin, les ingénieurs chinois ont dévoilé Vidu, logiciel capable de générer des images à partir d’un texte, sans intervention humaine. Photos Voice of Vietnam et ZGC forum.


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A la mi-avril, Apple était sommé par l’administration en charge de la cyber sécurité de supprimer WhatsApp et les liens vers le réseau social chinois de ses offres d’applications disponibles sur ses appareils vendus en Chine.
En réalité les applications déjà bloquées en Chine et peu utilisées, restent accessibles en utilisant des réseaux privés virtuels (VPN) capables de crypter le trafic Internet et de dissimuler l’identité en ligne de l’utilisateur.

Il reste que l’injonction largement symbolique signale pour le moins une disgrâce d’Apple dont la position commerciale est en recul sur le marché chinois.

Alors qu’en 2023 la marque à la pomme y tenait encore de loin le haut du pavé, avec 17,3% des ventes, elle y est aujourd’hui fragilisée par la montée du nationalisme technologique, les affres de la reprise économique et une compétition commerciale de plus en plus sévère avec les groupes chinois comme Huawei, Xiaomi et le dernier né OPPO/OnePlus (en Chinois OPPO Yi Jia – 一加 -) qui, en 2024, propose 17 modèles équipés du système d’exploitation Android OxygenOS qu’il a lui-même développé.

Le moins qu’on puisse dire est que l’engouement irrésistible pour la marque est en train de se brouiller au milieu d’une controverse où les actionnaires accusent Apple d’avoir mal communiqué sur les difficultés de ses affaires en Chine.

Selon une analyse de CNBC qui s’appuie sur les analyses de spécialistes de CounterPointResearch, au cours du premier trimestres 2024, les ventes des iPhones d’Apple ont reculé de 19%, au milieu d’une tendance générale où leurs ventes ont globalement chuté de 10%.

Mais pour Bloomberg, en février 2024, la chute par rapport à la même période de 2023 était de 33%. La secousse faisait suite à deux coups de tabac successifs au cours desquels les ventes avaient baissé de 39% en janvier 2024 et de 30% en décembre 2023, décrivant un recul bien plus grave ayant aggravé la défiance entre les investisseurs et la direction du groupe.

Le 30 mars, « The Economic Times » faisait état d’une décision de justice obligeant Apple à payer 490 millions de $ aux actionnaires qui l’accusaient de les avoir trompés sur l’état des affaires du groupe en Chine en 2018.

A l’époque, une année avant le déclenchement de l’épidémie de Coovid-19, Apple souffrait déjà, à la fois, des tensions sino-américaines et du ralentissement de l’économie chinoise.

Interrogé sur le sujet lors d’une conférence téléphonique sur les résultats, le PDG d’Apple, Tim Cook avait déclaré que la Turquie, l’Inde, le Brésil et la Russie étaient les seules économies émergentes où une pression sur les ventes d’Apple se faisait sentir. « Je ne mettrais pas la Chine dans cette catégorie », avait-il déclaré. Mais au trimestre suivant, les bénéfices du groupe sur le marché chinois manquèrent leurs objectifs pour la première fois depuis 2011, année où Cook avait succédé à Steve Jobs.

Cinq années plus tard, dit l’article du Times, le déclin d’Apple en Chine est trop visible pour être ignoré. Il rajoute que beaucoup pensent que « l’âge d’or d’Apple en Chine est terminé. »

Dommages collatéraux du nationalisme technologique.

La réalité est que les déboires d’Apple sont l’un des plus spectaculaires dommages collatéraux du très fort écho nationaliste de la rivalité sino-américaine. La baisse des bénéfices d’Apple en Chine est en effet un des meilleurs exemples des défis auxquels le groupe est confronté sur son troisième marché de portables au milieu de la féroce guerre des sanctions entre Washington et Pékin.

L’année dernière de nombreux rapports ont fait état d’entreprises et d’administrations publiques qui, dans au moins huit provinces, exigèrent de leurs employés de ne plus utiliser des iPhones au travail. En vigueur depuis plusieurs années, la mesure a été appliquée avec plus de célérité en 2023 sous la pression de l’administration centrale dont l’objectif stratégique est de réduire la dépendance aux technologies américaines.

Poursuivant son analyse, The Economic Times ajoute que l’autre raison majeure du recul d’Apple est la concurrence croissante à laquelle Apple est confrontée en Chine. La dernière gamme Mate 60 de Huawei (lire notre article Les guerres de l’espace et des microprocesseurs, deux secteurs clé de la rivalité sino-américaine) dotée d’un puissant processeur fabriqué en Chine, fait fureur au milieu d’une flambée nationaliste attisée par l’appareil politique chinois [1].

Au cours des six premières de 2024, les ventes des smartphones Huawei haut de gamme ont augmenté de 64%. Résultat, au moment où les ventes de l’iPhone d’Apple chutaient de 24%, la part de marché du Chinois passait de 9,4 à 16,5%. (lire notre article qui anticipait la réaction de Huawei. Lire : Huawei sévèrement touché, mais pas coulé. La guerre sera longue et difficile.

Alors qu’au NYSE, le 2 mai 2024, la valeur de l’action d’Apple se négociait à 172,62 $ en hausse de 200% par rapport aux basses eaux de 57,32 $ du 20 mars 2020, le groupe compte sur sa puissance d’innovation technologique pour reprendre ses distances par rapport à ses concurrents.

Innovations très haut de gamme et réduction de la dépendance au marché chinois.

Selon Tim Cook, lors de sa conférence annuelle des développeurs en juin, le groupe présentera de nouveaux logiciels articulés à l’utilisation systématique de l’Intelligence artificielle « générative » capable de générer de manière autonome du texte, des sons et des images, dont, au passage, le développement sans limites attisé par l’appât du gain et les concurrences des chercheurs, suscite à la fois espoirs, enthousiasmes et sérieuses inquiétudes éthiques.

Sur ce terrain, la concurrence s’échauffe déjà. Le 27 avril, la Chine a dévoilé « Vidu », concurrent du logiciel d’IA américain « Sora » présenté en février par OpenAi, éditeur de ChatGPT, capable de créer des vidéos à la fois imaginaires et réalistes sur simple saisie d’un texte [2].

Pour l’heure, échaudé par les concurrences commerciales et les contrefeux nationalistes dont il a été victime en Chine, le groupe explore de nouveaux espaces pour ses affaires.

A la mi-avril, Tim Cook était de passage pour deux jours au Vietnam, devenu un des plus importants centres de production des iPhones du groupe et un de ses premiers marchés derrière Oppo et Samsung, au milieu d’une récente migration des acteurs industriels du secteur des nouvelles technologies de l’information.

(Lire à ce sujet notre article qui analysait les migrations des ténors taïwanais de la « high-tech » vers le Vietnam : [3] La reprise se confirme au milieu d’une baisse des investissements extérieurs. Les ténors taïwanais de l’assemblage high-tech cherchent des alternatives à la Chine).

Note(s) :

[1Pour mesurer la capacité de rebond de Huawei, on se souviendra que la brutalité des sanctions infligées par Washington réduisit la part de marché globale de ses portables de 18% en 2020 à 2% en 2022. En Chine où le recul de la marque fut très sensible, sa part de marché était tombée de 27% en 2020 à 11% en 2022. Simultanément, la part d’Apple grimpait de 11 à 19%.

Néanmoins à la fin août 2023, réagissant aux embargos américains, Huawei dévoilait ses modèles « Mate 60 » et « Mate 60 Pro ». Le 8 septembre, le groupe lançait deux autres smartphones, le « Mate X5 », et le « Mate 60 Pro + ». Si le « Mate 60 » coûte 5 999 yuans (817,70 dollars), soit, en Chine, le même prix que « l’iPhone 14 » d’Apple, en France, le « Mate 60 Pro + » (1334 €) coûte 13% de moins que « l’iPhone 15 » (1543 €).

[2La société Shengshu 生 数 conceptrice du logiciel, créée l’an dernier à Pékin, dont les slogans commerciaux sont « 想 象无边 界 l’imagination sans frontières » et « 激发无限创造力 l’inspiration créative illimitée » dit sur son site internet compter dans son équipe des ingénieurs des géants chinois du numérique venant de ByteDance, Tencent, Baidu et Alibaba.

[3Pour les capitaines d’industrie taïwanais qui firent fortune en sous-traitant l’assemblage des grandes marques américaines, japonaises et sud coréennes de la haute-technologie au prix de conditions de travail épuisantes de la main d’œuvre chinoise, les conditions de salaire offertes au Vietnam sont parmi les premières incitations à délocaliser leurs productions hors de Chine.

Alors qu’au Vietnam les salaires mensuels sont en-dessous de 300 $, ils dépassent souvent 600 $ en Chine. Au moins autant que les incertitudes politique du climat des affaires, ce décalage du simple au double est le principal moteur du désamour pour les implantations en Chine des groupes d’assemblage taïwanais.

Leurs donneurs d’ordre du secteur, américains, sud-coréens, japonais et hollandais (IBM, HP, Dell, Apple, Intel, Microsoft, Motorola, Cisco, Nintendo, Sony, LG Group, Samsung et Nokia) sont depuis longtemps sur cette ligne. La lourde main de mise aux normes politique de Xi Jinping fut un des déclencheurs d’un mouvement qui fermentait sous la surface.


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