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›› Chronique

Risques de crise en Chine

Quelles hypothèses de crise ? Indices à surveiller.

Arrêtée au printemps 2014 pour avoir communiqué des secrets d’État à des journaux étrangers, Gao Yu, âgée de 71 ans a été condamnée à 7 ans de prison après un procès à huis clos en novembre dernier. Selon son avocat sa confession diffusée par la télévision centrale chinoise a été obtenue par le truchement de menaces exercées contre son fils. Les « secrets d’État » évoqués par l’accusation – que Gao Yu nie avoir transmis à des étrangers - sont en réalité un document interne au Parti mettant la bureaucratie en garde contre les influences occidentales.

De ce qui précède, il est possible de faire l’hypothèse que le Parti dispose de quelques marges de manœuvre et de croissance essentiellement à l’ouest du pays où l’ancien schéma de développement par l’investissement et la construction d’infrastructures peut encore fonctionner. Il bénéfice aussi d’une assurance subjective contre ses propres errements évoquée par Thimothy Heath qui touche à la peur du chaos, dont la plupart des dirigeants actuellement au pouvoir ont un souvenir très précis, parfois très cruel.

Pour autant, il serait imprudent d’éliminer tout risque de crise. Celle-ci pourrait se nourrir du refus de la direction du régime d’entamer des réformes politiques progressives et d’installer un véritable dialogue avec la société civile.

Dans son article, Shambaugh qui pousse le pessimisme très loin, anticipe que la secousse ne pourrait être que brutale : « la règle communiste ne s’achèvera pas dans le calme. Sa chute sera longue, chaotique et violente ». Constatant que la férocité des répressions qui contraste avec la fragilité du Parti crée d’importante vulnérabilités au sein du système, dans l’appareil gouvernemental, dans l’armée et dans les milieux d’affaires, il n’exclut pas que Xi Jinping soit déposé par un coup d’État.

A ce sujet, les événements du Xinjiang ou du Tibet en 2008 et 2009, en partie nourris par l’alourdissement du contrôle policier auraient du sonner l’alerte et inciter le pouvoir à une remise à plat de sa politique de stabilité sociale et à accepter de considérer que les causes des troubles ne sont pas forcément toutes exogènes. Au lieu de quoi, il a adopté une stratégie inverse. Au Xinjiang, l’encadrement policier et la répression s’aggravent alors que les informations sur l’état réel de la situation politique sont rares et parcellaires.

On doit cependant tempérer ce pessimisme de la protestation spontanée par le fait que l’appareil policier du régime a les capacités d’interdire dans un temps très bref l’accès aux cœurs des centres urbains des grandes cités chinoises. Jusqu’à présent, le Parti a en effet réussi à presque tout gérer sans dommages majeurs : chômage, gaspillages, pollution, contrôles alimentaires déficients, inflation des prix immobiliers, frustration des migrants, dérapages éthiques des cadres incultes, corrompus et cupides, protestations de grande ampleur pour les salaires -.

L’appareil a même assez habilement contrôlé des révoltes locales qui protestaient contre les captations de terres ou les dégâts répétés et incrustés de la pollution. Quant à ceux qui remettent directement en cause son magistère, ils sont durement sanctionnés, condamnés, comme Liu Xiaobo, à de lourdes peines de prison.

Mais c’est là où le bât blesse. L’excès répressif est dangereux.

Récemment le Parti est allé jusqu’à infliger à Madame Gao Yu, journaliste critique âgée de 71 ans, une peine de prison de 7 ans pour avoir « diffusé des secrets d’État à l’étranger ». L’accusation est pour le moins excessive et peut-être fabriquée - ses avocats nient que leur cliente serait à l’origine de la fuite de la Directive de propagande n°9 dont on l’accuse -, qui d’ailleurs a plus à voir avec la réputation du Parti qu’avec la sécurité de la Chine.

Le document met en effet en garde contre « la démocratie à l’occidentale », le concept des « valeurs universelles », le rôle de la « société civile », les idées « néolibérales », le concept de « journalisme à l’occidentale » et la promotion du « nihilisme historique » (comprendre la critique de la période maoïste).

Nouveaux moyens d’information. Nouvelles menaces.

Le flot ininterrompu d’informations venues d’ailleurs qu’en dépit des blocages le Parti ne parvient pas à contrôler complètement est un risque nouveau difficile à gérer. Dans ce système encore contrit et cloisonné, l’émergence de la classe moyenne mieux instruite et plus exigeante qui maîtrise, souvent du fait de son travail, les nouvelles technologies de l’information, s’inscrit dans un mouvement global d’ouverture, de mise en perspective et de relativisme culturel et politique qui participe d’un effritement de la légitimité du Parti.

La libre information par internet et les réseaux sociaux heurte de plein fouet les stratégies de contrôle politique et de prêt-à-penser idéologique développées et mises en œuvre par Liu Yunshan et ses équipes de propagande. En dépit de sévères mesures de censure, ils n’ont pas réussi à freiner la mise à jour récente des fortunes de la nomenklatura civile et militaire.

Ils n’ont pas non plus réussi à empêcher le visionnage par au moins 300 millions de Chinois du film « Qiong Ding Zhi Xia - sous le dôme - » réalisé sur la grave pollution de l’air en Chine par Chai Jing, une journaliste d’investigation de la TV d’État. Sur ce terrain, occupé par plus de 600 millions d’internautes et 400 millions de « blogueurs » et adeptes des réseaux sociaux, il est improbable que le Parti parvienne à isoler les Chinois du reste du monde, comme il semble vouloir le faire.

La capacité de mobilisation contestataire de ces nouveaux moyens d’information ne peut être sous estimée. Même s’il est vrai que les armées d’internautes payés par le régime peuvent manipuler les forums de discussion, et qu’en remplacement du moteur de recherche Google et des réseaux sociaux occidentaux Pékin a créé des connexions purement chinoises, la vague Internet, n’en est pas moins porteuse de graves menaces pour le Parti.

Un événement isolé, même éloigné des centres nerveux du pouvoir chinois peut, en un temps record, mobiliser d’importantes foules dans d’autres zones du pays. L’allumette peut être soit sociale, soit environnementale, soit politique - les trois étant d’ailleurs souvent liés aux thèmes explosifs de la sécurité alimentaire, des salaires, des coûts immobiliers, des captations de terres, de la pollution et de la corruption des fonctionnaires.

Irrédentismes ethniques.

A côté des réseaux internet, révélateurs en temps réel de l’état d’esprit d’une partie des Chinois, le plus souvent rattachés à la nouvelle classe moyenne, d’autres tensions sont à surveiller de près, notamment celles qui traversent le Xinjiang et le Tibet.

Si pour l’instant le Tibet est sorti des projecteurs de l’actualité occidentale, dans l’ancien Turkestan Oriental, le pouvoir doit faire face à une situation en partie créée par sa propre politique de peuplement et ses bévues culturelles sociales et économiques. Les tensions ainsi générées possèdent un potentiel d’aggravation considérable des zones limitrophes par contagion régionale à partir de mouvements religieux radicaux. Sans un coup de barre radical pour corriger sa politique, dont les tendances répressives se sont amplifiées après juillet 2009, les affrontements inter-ethniques entre communautés qui s’observent en chiens de faïence, ne feront que s’aggraver.

En dépit de la répression policière et de la densité des forces de police qui sont d’ailleurs une partie du problème, les risques d’une déstabilisation de certaines zones du Xinjiang à fort peuplement Ouïghour, par le truchement de radicaux, qui, jusqu’à 2009 étaient faibles, sont en train d’augmenter notablement. Un indice très sérieux d’aggravation serait la bascule vers le terrorisme suicide.

Enfin, les tensions au Tibet, marquées par plus de 130 immolations par le feu dont les deux dernières ont eu lieu en avril 2015, pour la plupart des jeunes moines, des nones et des laïcs proches de la mouvance des monastères, mettent le pouvoir chinois en porte à faux.

D’autant que, contrairement aux tumultes fomentés par les Ouïghours, les tensions sur le plateau procèdent d’une action sacrificielle suicidaire qui ne heurte personne d’autre que les Tibétains eux-mêmes. A quoi il faut ajouter que la cause religieuse du Bouddhisme Lamaïque défendue par le Dalai Lama, prix Nobel de la paix, véhicule à l’extérieur une image moins agressive que celle de l’Islamisme radical et donc plus susceptible de recueillir l’appui et la sympathie de la communauté internationale.


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