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Spectaculaire dynamisme spatial

La sonde Chang’e 6 (capture d’écran faite à partir d’une animation simulée - PHOTO / VCG -) a été lancée le 3 mai dernier par une fusée Longue Marche du Centre spatial de Wenchang à Hainan. Elle est restée 2 jours sur la face cachée de la lune. Son retour sur Terre commencé le 6 juin est prévu le 25 juin.


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Voir la mise à jour du 25 juin en fin d’article.

Au cours des cinq premiers mois de 2024, l’activité spatiale chinoise a été impressionnante de constance. Avec un taux d’incidents connus voisin de zéro, elle a touché à l’exploration de la lune, à sa station spatiale indépendante et aux lancements commerciaux.

Durant la même période, les médias de la planète ont fait état des déboires de la navette spatiale Starliner CST-100, destinée aux liaison avec l’ISS construite par Boeing mandaté par la NASA, puis finalement de son décollage réussi le 5 juin, avec à son bord les astronautes de la NASA Sunita Williams, 58 ans et Barry Wilmore, 62 ans, deux vétérans de la station spatiale internationale.

En même temps, la société Space X de l’entrepreneur milliardaire Elon Musk, également sous-traitant de la NASA, annonçait la réussite du 4e vol d’essai de son lanceur spatial géant Starship (hauteur 121m, masse au décollage 5000 tonnes), capable d’emporter une charge utile de 100 tonnes. Destiné aux voyages vers la Lune et Mars du programme ARTEMIS, son premier étage a été récupéré dans le golfe du Mexique le 6 juin, après un vol d’essai de sept minutes.

L’opiniâtre régularité du programme Chang’e.

Mais le point d’orgue spatial de la période a incontestablement été la mission de la sonde spatiale Chang’e 6, 嫦娥 六 号, lancée le 3 mai et restée sur la face cachée de la Lune du 2 au 3 juin pour collecter des échantillons de roches, une première mondiale que, jusqu’à présent, ni l’Amérique ni l’URSS ou la Russie n’avaient tentée. L’atterrisseur de Chang’e 6 embarquait également des instruments de mesure et de recherche de l’Institut italien de physique nucléaire, de l’Institut suédois de physique spatiale et de l’agence spatiale française. Le 4 juin a commencé la phase de retour vers la Mongolie Intérieure que la sonde atteindra le 25 juin.

L’exploration de la phase cachée de la Lune avait déjà eu lieu en janvier 2019 par Chang’e 4 qui avait envoyé des photos vers la Terre. Cette fois, l’agence spatiale chinoise fait mieux et renvoie des échantillons de minéraux que ni les Américains d’Apollo, ni les Russes de Luna n’avaient collectés.

Pour Yi Xu, professeur à l’Institut des Sciences spatiales de Macao et membre de l’équipe scientifique de Chang’e 6, outre la fierté chinoise de réaliser une première, l’étude d’échantillons provenant de différentes partie de la croute lunaire figée dans le gel sidéral, pourrait fournir des indications supplémentaires sur la formation du satellite de la Terre.

Le fait est, dit-il, que la croute de la face cachée est plus épaisse, qu’il y a moins de marias - mers - et de plaines où coulait autrefois la lave, mais personne ne sait vraiment pas pourquoi les deux faces sont si différentes et les astrophysiciens veulent savoir pourquoi.

En tous cas, l’expérience lunaire en cours confirme s’il en était besoin les vastes ambitions spatiales chinoises.

L’aventure avait commencé par les missions photographiques de reconnaissance de Chang’e 1 (2007) et Chang’e II (2010) suivies de l’alunissage du Lapin de Jade 玉兔 (Chang’e III) à la fin 2013 qui après plus de quarante années d’interruption avaient renoué avec l’alunissage (lire : Chang’e III et le « Lapin de jade » se sont posés sur la lune) Chang’e IV avait été la première mission d’exploration de la face cachée par un rover piloté a distance. Enfin, en 2020, Chang’e V avait déjà collecté près de 2 kg de minerais sur la face visible. Des scientifiques de plusieurs pays y compris des Américains, ont récemment demandé à les étudier.

Les missions à venir planifiées par l’Agence spatiale chinoise sont Chang’e 7 en 2026 et Chang’e 8, en 2028, destinées à explorer le pôle sud, à préparer les futures missions habitées et à jeter les bases de la station permanente de recherche. Comme les précédentes, elles comporteront un module orbital de recueil, un atterrisseur, et un robot télécommandé mobile ou rover.

La communauté mondiale des astrophysiciens a salué la maîtrise de l’Agence spatiale chinoise qui, déjà lors de Chang’e V en 2020, avait exprimé sa fierté en dressant un drapeau en basalte non altérable que Chang’e VI a retrouvé intact.

Lancé le 3 mai, depuis la base de Hainan, le vaisseau qui a atteint la Lune en cinq jours a, après 20 jours en orbite, été piloté vers la face cachée par le relais du satellite Queqiao 鹊桥. Mis en orbite en avril dernier son nom dérive du mythe du Bouvier (Niulang 牛郎 - Altaïr -) et de la Tisserande (Zhinü 織女 - Véga), deux étoiles situées de part et d’autre de la Voie lactée (lire : Une station chinoise sur la lune en 2030).

Après l’alunissage du 1er juin, les échantillons prélevés par le marteau piqueur et la pelle du rover ont été places dans le module de retour pour décollage le 3 juin. Ce dernier s’est ensuite amarré à l’orbiteur le 6 juin, puis au module de rentrée atmosphérique qui rejoindra la Terre le 25 juin, au terme d’un voyage qui aura duré 53 jours.

Notons qu’en ce début 2024, la Chine n’était pas seule sur la Lune. Deux de ses voisins, concurrents stratégiques, et les États-Unis, y ont aussi montré leurs couleurs, avec plus ou moins de succès. Le 20 janvier, six mois après l’alunissage du module indien Chandrayan-3, le 20 janvier, le module japonais SLIM (Pour Smart Lander for Investigating Moon) construit par Mitsubishi s’est posé la tête en bas, la tuyère du moteur pointée vers l’espace, faisant quand même du Japon, avec les États-Unis, l’URSS, la Chine et l’Inde, le 5e pays à avoir posé un engin à la surface du satellite de la Terre.

Contre toute attente, SLIM a continué à fonctionner alors que l’Agence japonaise croyait l’avoir perdu.

Le deuxième alunissage de l’année était le premier par une sonde spatiale privée. Baptisée Odysseus. Construite par la société américaine Intuitive Machine, elle s’est posée sur la surface de la Lune le 22 février, elle aussi dans des conditions acrobatiques (lire le § Retour de l’Amérique de l’article cité plus haut : La nouvelle course à la lune, au cœur de la rivalité sino-américaine).

Station spatiale et vols commerciaux.

Alors que se déroule la mission Chang’e VI, l’équipage du Vaisseau spatial Shenzou 18 a, le 28 mai, effectué la plus longue sortie dans l’espace depuis la station Tiangong. Ye Guangfu, 44 ans, qui avait participé en Sardaigne à l’opération Cave 2016 d’accoutumance à un environnement hostile organisée par Agence Spatiale européenne et Li Guangsu, 37 ans, tous deux anciens pilotes de chasse, ont séjourné huit heures et trente minutes dans l’espace.

Il s’agissait pour eux d’inspecter l’extérieur de la station et de compléter l’installation d’un bouclier anti-débris destiné à la protéger des centaines de millions de fragments des plus de 8000 satellites hors service orbitant autour de la Terre à plus de 30 000 km/h.

Quelques jours après l’arrivée de Shenzhou 18, le 30 avril, Shenzhou 17 s’est détaché de la station et a atterri dans la région autonome de Mongolie Intérieure, environ 9 heures plus tard. L’atterrissage a marqué la fin d’une mission de 187 jours pour l’équipage composé de Tang Hangbo, Jiang Xinli et Tang Shenglie, commencée le 26 octobre 2023 (lire : La nouvelle course à la lune, au cœur de la rivalité sino-américaine).

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La période a aussi été marquée par une longue série de vols commerciaux par des sociétés semi-privées,opérant des lanceurs de tailles et puissances diverses pour la mise en orbite de satellites au profit de clients privés ou publics, chinois et étrangers.

Coup sur coup, les 29 et 30 mai, puis le 6 juin, la société Galactic Energy (en Chinois 星河 动力) a mis en œuvre son lanceur léger Gushenxing 1 谷 神 星 一 号, capable de placer 350 kg en orbite basse et 230 kg en orbite héliosynchrone. Le 29 mai, tiré d’une plateforme offshore au large de Rizhao, 100 km au sud de Qingdao sur la mer , Gushenxing 1 a lancé 4 satellites du réseau national d’Internet des Objets (Sigle Anglais IoT pour Internet of Things).

Les deux autres, tiré du Centre spatial de Jiuquan le 30 mai et le 6 juin ont mis en orbite, pour le premier trois satellites météo de la constellation Yunyao-1 et, pour le 2e, trois satellites d’observation de la Terre en orbite héliosynchrone, en même temps que la station de Tests de la société israélienne EROS (pour Earth Ressources Observation Satellites).

A propos des compagnies chinoises privées de l’espace, lire notre premier point de situation de septembre 2018 : Premiers pas hésitants des compagnies privées dans l’espace

Enfin, il faut signaler la longue série des mises en orbite effectuées par des fusées allégées de la série Longue Marche.

Seulement entre le 20 avril et le 30 mai 2024, l’Agence spatiale chinoise a mis en orbite une quinzaine de satellites, allant des satellites militaires d’observation en orbite très basse par la fusée Chang Zheng 2D (hauteur 41 m 230 tonnes) aux 4 satellites héliosynchrones lancés par Kuaizhou 11 (25 m, 78 tonnes), directement dérivé du missile militaire DF 41, en passant par les satellites de télécoms de PAKSAT MM1 de la coopération sino-pakistanaise lancés par Chang Zheng B/E à trois étages (hauteur 54 m, capable de placer 11,5 tonnes en orbite basse).

Mise à jour le 25 juin.

Comme prévu, 52 jours après son lancement depuis la base de Hainan, le 3 mai dernier, la sonde lunaire Chang’e 6, freinée par un vaste parachute blanc strié de rayures rouges, s’est posée en Mongolie Intérieure. A son bord, les premiers échantillons de minéraux jamais collectés de la face cachée de la Lune par un module piloté depuis la Terre.

Le succès de la mission, techniquement la plus complexe réalisée par la Chine à ce jour, a été salué par Xi Jinping, selon une formule souvent répétée par lui, comme « un jalon essentiel 重要里程碑 de l’éternel rêve chinois 永恒中国梦 visant à construire une puissance scientifique, technologique et spatiale de niveau mondial - 建设航天和世界科技强国 - ».

Également appréciée par la communauté des astrophysiciens pour sa contribution à l’histoire géologique de la Terre comparée à celle de la Lune sans mouvements tectoniques et figée depuis l’aube du système solaire, la mission préfigure aussi les étapes suivantes d’une exploration de la Lune par des astronautes chinois.

Sixième mission d’une série de huit avant le projet de poser des astronautes chinois sur la Lune en 2030, Chang’e 6 était aussi une répétition des techniques de contrôle et de pilotage nécessaires à une exploration humaine du satellite de la Terre.

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Il serait cependant naïf de croire que l’aventure spatiale des humains échappera à la rivalité stratégique sino-américaine. Alors qu’après une parenthèse de plus de 50 ans, les États-Unis s’apprêtent à lancer un équipage vers la Lune en 2026, dans le cadre du vaste programme ARTEMIS, Bill Nelson, Administrateur de la NASA s’inquiète.

Faisant l’hypothèse que le pôle Sud de la Lune pourrait receler de l’eau, il met en garde contre une course à la Lune définissant des zones d’exploration nationales, d’où la Chine exclurait ses rivaux.

Enfin, pour apprécier de manière objective la qualité du programme spatial chinois, il est nécessaire de dépasser l’affichage de la propagande qui expurge les incidents les plus graves pouvant jeter une ombre sur l’exaltante perfection du « rêve  ».

Le 22 juin, trois jours avant le retour sur Terre de Chang’e 6, les habitants du village de Xianqiao, situé à proximité de Guiyang, 350 km au sud de Chongqing, dans la province du Guizhou, ont posté sur Kuaishou (concurrent de TikTok, Douyin en Chine) une vidéo où l’on voit nettement la chute, entourée d’une fumée jaune, de ce qui semblait être le débris d’une fusée spatiale.

Les images sont apparues en ligne peu après le tir d’une fusée Longue Marche 2C (hauteur 40 m, charge utile 3850 kg) à partir de la base de lancement de Xichang située 450 km à l’ouest de Guiyang et du village de Xianqiao, où la même vidéo montrait les habitants s’enfuir en courant, tournant le dos au panache de fumée jaune.

Alors qu’il pourrait s’agir du troisième échec d’une Longue Marche 2C sur 78 tirs depuis le premier lancement en 1982, la fusée transportait un gros satellite SVOM (Space Variable Objects Monitor, poids 950 kg). Objet de la coopération spatiale franco-chinoise entre le CNES et ses deux partenaires chinois de l’Agence Spatiale et l’Académie des sciences, il est destinée à capter les rayonnements dits « sursauts Gamma  » résultant des explosions d’étoiles lointaines.


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