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Un effet de serre financier

Au contraire de la plupart des pays du tiers monde livrés au jeu du libre-échange, l’ouverture de l’économie chinoise, initiée par Deng Xiaoping au début des années 1980, ne s’est pas soldée par l’entrée massive des produits étrangers, la destruction du tissu industriel local et la montée de l’endettement extérieur. Certes les dirigeants chinois d’hier et d’aujourd’hui se réclament encore de Karl Marx, ils se révèlent, à travers leur politique économique, plutôt de bons élèves de David Ricardo et d’Adam Smith. Il est curieux que les observateurs omettent de souligner, à l’occasion de leurs commentaires sur les excédents chroniques du commerce extérieur, la sous-évaluation artificielle du yuan et le taux de croissance à deux chiffres, la nature mercantiliste du « miracle chinois » qui, par le truchement d’un mécanisme financier et monétaire, se trouve à l’origine de ce que l’on peut qualifier d’un effet de serre.

Nul ne conteste que la dynamique de l’économie chinoise ne dépend pas seulement de la demande intérieure. Libellées en dollars US, les exportations de l’« atelier du monde » constituent l’un des moteurs essentiels de la croissance du PIB chinois. Le choix du dollar US comme unité de comptes dans le commerce extérieur ne résulte pas uniquement du volume, pourtant considérable, des échanges bilatéraux entre la Chine et les Etats-Unis. En effet, le billet vert joue magnifiquement son rôle d’étalon sur le marché mondial malgré les énormes déficits du budget et de la balance de paiements de Washington.

La solidité du dollar est assise, paradoxalement, sur le nombre en constante augmentation des consommateurs de produits chinois. Les acheteurs de textiles, d’électroménager ou d’autres produits « made in China », qu’ils soient en Europe, au Moyen-orient, en Afrique ou au Sud-est asiatique, doivent acheter (ou emprunter) préalablement des dollars US pour payer les marchandises. Par ce tour de passe-passe, les exportations de produits chinois sont devenu le meilleur soutien du cours du dollar. Les Américains doivent bien cette prouesse à la sage décision du feu le président Richard Nixon d’un dimanche 15 août (1971). Imaginez le désastre que pourrait causer la chute des billets verts si l’or restait l’étalon des échanges commerciaux !

Au lieu de la rentrée au pays des métaux précieux que les pères du mercantilisme préconisaient, les Chinois ont récolté des monceaux de dollars US. C’est là où commence l’effet de serre, si l’on veut bien emprunter cette expression aujourd’hui à la mode. Pour absorber cette masse de dollar, la Banque populaire de Chine émet un montant équivalent de yuan, selon la parité qu’elle détermine, de manière unilatérale. Le flux continu de dollars encaissés est converti essentiellement en bons de Trésor américains. La Chine devient ainsi le deuxième pays créancier des Etats-Unis, juste derrière le Japon. En contrepartie des produits exportés, les entreprises sont payées en yuan, non convertibles sur le marché de changes. A mesure que s’accroît la réserve de dollar US à la banque centrale, il se forme en parallèle un excès de liquidité en yuan dans les banques commerciales en mal de placements. Le marché des capitaux reste encore au stade embryonnaire, d’où l’apparition non pas d’une mais trois bulles dans le circuit financier.


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Par Richane Le 30/08/2007 à 01h03

> Un effet de serre financier

Je ne suis d’accord, ni avec le concept de « sous-évaluation artificielle du Yuan », ni avec l’affirmation de « la nature mercantiliste du miracle chinois ».
D’abord, s’agissant du Yuan, sa faible évaluation par rapport au dollar ne date pas d’aujourd’hui : il en a été ainsi, aussi loin que l‘on puisse remonter dans le passé ; et cette faiblesse de la monnaie chinoise résultait du sous-développement drastique de la Chine par rapport aux Etats-Unis, sous-développement qui avait pour corollaire - comme dans tous pays sous-développés - des niveaux de prix et de salaires très bas par rapport aux pays industrialisés. Dans le passé ces différences de salaires et de prix n’avaient jamais posé problème, parce que l’économie chinoise était incapable de concurrencer les pays occidentaux. Le problème n’est soulevé qu’aujourd’hui, parce que peu à peu la Chine est devenue capable de produire des marchandises concurrençant les pays occidentaux, y compris sur leur propre marché. Par conséquent, il convient de rappeler qu’il n’y a eu recours dans le passé à aucun « artifice » pour parvenir aux rapports que l’on constate aujourd’hui entre les monnaies nationales respectives de la Chine et des Etats-Unis : ces rapports sont un produit de leurs histoires économiques respectives de pays pauvres et de pays riches. Il est certain que le faible niveau des prix et des salaires, hérité de son passé de pays sous-développé, représente aujourd’hui pour la Chine un atout important pour son développement. Mais il ne faut pas oublier que le développement économique de la Chine est très récent et que le niveau de revenu moyen en Chine est encore très inférieur à celui des Etats-Unis. Demander aujourd’hui à la Chine de réévaluer sa monnaie, c’est lui demander de renoncer à un atout majeur pour un développement à peine amorcé. Et lorsque cette demande vient de la part de pays industrialisés déjà riches, elle comporte une part d’indécence, qu’il faut oser dénoncer et dont il ne faut pas en tout cas se rendre complice en parlant de « sous-évaluation artificielle du Yuan ».
S’agissant de « la nature mercantiliste du miracle chinois », c’est oublier que l’exploit économique de la Chine depuis une trentaine d’années repose avant tout sur sa capacité à « produire » des biens industriels, d’où l’expression « usine du monde » couramment employée à ce propos. Certes, ces marchandises sont ensuite exportées vers les pays étrangers et cette exportation peut être qualifiée de « mercantiliste » ; mais ce mercantilisme est précédé d’un acte de production, qui est le vrai acte fondateur du développement économique de la Chine aujourd’hui. Alors ramener le développement de la Chine au seul acte d’exporter les marchandises qu’elle a produites, c’est un propos réducteur pour ne pas dire fallacieux.

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