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›› Editorial

Xi Jinping, D. Trump, Kim Jong-un, brutal retour aux réalités

Premières dissonances à propos des sanctions.

Immédiatement après le sommet, analysée par M.D Swaine dans China Leadership Monitor - CLM, la position de Pékin commença à évoluer.

Lors d’une conférence de presse, une formulation ambiguë du porte-parole Geng Shuang laissa flotter l’idée que l’ambiance positive créée par la rencontre pouvait justifier un allègement immédiat des sanctions. Le lendemain, le Waijiaobu cultiva l’équivoque en évitant de répondre aux demandes d’éclaircissement sur le sujet. Le 14, juin, 48 heures après Singapour, Wang Yi évita lui aussi de confirmer la déclaration de Mike Pompeo selon laquelle « Pékin approuvait le maintien des sanctions jusqu’à ce que la dénucléarisation complète soit achevée ».

Au lieu de quoi, ajoute Swaine, tous les canaux officiels du régime répétèrent l’ancienne opposition chinoise aux sanctions décidées unilatéralement sans accord du conseil de sécurité. Tout en rappelant qu’elles ne pouvaient pas être un « but en soi », ils réitérèrent aussi la détermination chinoise à les appliquer intégralement quand elles étaient approuvées par le Conseil de sécurité.

En juillet, cette posture officielle de principe fut répétée sans élaborer par le porte-parole mis sur la sellette lors d’une conférence de presse à propos de la chute brutale en Corée du nord du prix des carburants, interprétée comme la conséquence d’une intervention chinoise venant au secours de son allié en difficulté et contredisant clairement l’obédience de Pékin au régime des sanctions.

L’incident renvoyait aux suspicions évoquées par Florence Parly, la Ministre de la Défense française, lors du dialogue de Singapour un mois avant qui soulignait sans nommer personne, les ambiguïtés chinoises bien connues dans l’application des sanctions contre Pyongyang - « il semble que des bateaux citernes nord-coréens ont des rendez-vous nocturnes avec des “tankers“ d’un pays inconnu » -.

Hantise de la marginalisation ; phobie des alliances américaines.

Puis, alors que Xi Jinping lui-même avait, après le sommet, rappelé que « quelle que soit l’évolution de la situation régionale, la Chine restera déterminée à développer ses relations avec Pyongyang, dans un contexte où l’amitié entre les deux peuples et le soutien de Pékin à la “Corée du Nord socialiste“ ne varieraient jamais », surnageait dans le cercle des chercheurs chinois, le souci exprimé dans plusieurs articles du Global times dès le 10 juin et répété le 26 juillet, que la Chine ne soit pas marginalisée dans le processus.

A quoi s’ajoutèrent plusieurs non-dits de taille. Michael Swaine explique que, selon des sources proches de la question à Pékin , la question sensible du stationnement des troupes américaines sur la péninsule fut mise sur la table en interne par des conseillers du Bureau Politique : « Si la Corée du nord n’est plus un problème, et s’il n’y pas de menace terroriste à quoi servent ces forces ? »

Après la déclaration d’amitié indéfectible du président chinois, les commentateurs ont aussi logiquement évoqué l’aide économique chinoise, certains spéculant même, peut-être un peu vite – les réformes de fond en dehors des ajustements tactiques ayant par le passé toujours échoué -, sur une métamorphose à la chinoise du système économique nord-coréen.

Enfin, CLM ajoute qu’explorant plus avant l’idée du soutien chinois à Pyongyang, les centres de recherche rejetèrent cependant l’idée d’un « parapluie nucléaire » chinois étendu à Pyongyang. Mais ce faisant, ils s’aventuraient indirectement sur le terrain du lien entre la dénucléarisation de la Corée du Nord et la fin de la garantie nucléaire de Washington incluse dans les alliances avec Tokyo et Séoul.

On touchait là à un des « noyaux durs » les plus sensibles de la stratégie de la Maison Blanche dans la région, directement lié aux intentions à long terme de Pékin, de parvenir à terme au démantèlement des bases et des alliances américaines dans la région.

Aux États-Unis, dans les cercles stratégiques opposés aux initiatives de la Maison Blanche sur la péninsule coréenne, l’inquiétude a plusieurs fois conduit à des mises au point sans ambiguïté avant même la rencontre de Singapour, comme celle du Pentagone répétée par James Mattis au « dialogue de Shangrilla (lire : Dialogue de sourds à Singapour.), dix jours avant le sommet Trump – Kim : « La présence militaire entretenue par Washington en Corée du sud est le résultat d’un accord avec Séoul et ne saurait en aucun cas être liée aux négociations avec Pyongyang. »

Tokyo, conscience stratégique de la Maison Blanche.

Les plus vives inquiétudes à la perspective d’un ébranlement stratégique majeur, conséquence d’éventuelles concessions américaines en vue de la dénucléarisation, vinrent non pas de Séoul, mais de Tokyo.

La veille du sommet, Yoichi Funabashi, formé à Harvard, Docteur en Sciences Politiques de l’Université Keio qui dirige le centre de recherche « Asia Pacific initiative » publiait un long article dans le New-York Times intitulé « Ce que le Japon pourrait perdre dans les négociations coréennes » qui sonnait comme un contrepoint aux espoirs d’apaisement.

Passant en revue tous les points durs de la situation stratégique dont le Japon est partie prenante à l’abri de l’alliance militaire avec Washington, l’analyse énumérait sans les édulcorer, les inquiétudes japonaises.

Elles vont de la question non résolue des citoyens japonais enlevés et séquestrés par le régime nord coréen, aux difficultés et à la durée de la dénucléarisation (au moins 15 ans dit-il) assortie à l’exigence de vérification – comportant la mise à jour que l’auteur juge improbable de tous les sites nucléaires nord-coréens –, en passant par la hantise des missiles à moyenne portée menaçant directement le Japon et dont Funabashi craint qu’ils ne soient pas la priorité de Washington, uniquement préoccupé des armes intercontinentales.

Haussant l’analyse jusqu’à l’histoire heurtée des relations sino-japonaises, il mettait en garde contre un traité de paix prématuré exigé par Kim Jung-un et ayant la faveur de Pékin. L’accord infirme (il dit « dirty ») qui laisserait le Japon seul en première ligne face au risque nord-coréen, irait dans le sens des stratégies à long terme de Pékin dont le jeu est de « ralentir la dénucléarisation, d’affaiblir l’alliance Tokyo – Séoul et de marginaliser le Japon. »

Pour finir, il évoquait l’interdit de première grandeur, cauchemar de la direction chinoise, puissamment répulsif dans l’opinion japonaise mais qui ne cesse de hanter la conscience des stratèges de l’archipel : l’entrée du Japon - déjà pays du seuil - dans le cercle des proliférants dotés de l’arme nucléaire.

Les impasses stratégiques d’une négociation qui ne peut se résumer à un “deal commercial “, dit l’auteur, « affaibliraient la dissuasion nucléaire et les alliances américaines. Ce qui conduirait Tokyo à élargir l’éventail de sa défense anti-missiles et donnerait peut-être à l’exécutif le prétexte d’engager des discussions publiques sur ce qui fut longtemps un tabou : l’accession du Japon à un arsenal nucléaire autonome de Washington ».


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