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Face à la montée des tensions avec l’Iran, Pékin garde « deux fers au feu. »

La mise en scène d’une proximité stratégique avec l’Iran.

Alors que montaient les risques d’un engrenage militaire catastrophique, les marines de guerre de Pékin, Moscou et Téhéran participaient aux premières manœuvres navales communes aux trois pays dans le Golf d’Oman.

Organisées par Téhéran du 27 au 30 décembre, l’exercice exprimait la solidarité de Pékin et Moscou avec l’Iran. Le lendemain de l’attaque, le Ministre Chinois des Affaire étrangères Wang Yi accusait Washington d’avoir « violé les principes de base des relations internationales. » Javad, le ministre iranien des AE, traitait quant à lui Washington de « terroriste international ».

La proximité de la Chine avec l’Iran mise en scène par les manœuvres navales doit cependant être modulée à l’aune du pragmatisme de Pékin dont le point focal stratégique reste Washington. Lire notre analyse : La crise iranienne, une aubaine pour la Chine ? Et l’Europe ?

La prudence économique chinoise.

Après le coup porté en mai 2018 à l’accord iranien par Donald Trump dont l’élimination de Soleimani constitue le dernier acte, les intérêts chinois avaient d’abord augmenté. Mais la tendance n’a pas duré. Dès le 25 septembre 2018 Washington inscrivait sur sa liste noire des compagnies chinoises pour avoir importé du brut iranien.

La sanction n’a pas immédiatement produit d’effets. Entre décembre 2018 et avril 2019 les importations chinoises de pétrole sont passées de 400 000 à près de 900 000 barils/jour. Mais, depuis mai 2019, elles sont en chute libre : en août 2019, elles étaient tombées à 150 000 barils/jour. De même le commerce bilatéral est dans la même période tombé de 3,2 Mds en avril à moins de 2 Mds de $ en août.

Autre indice de la prudence chinoise, alors que les informations de Pékin avaient d’abord fait état en novembre 2018 de la reprise par CNPC des parts de Total dans le gisement de gaz de South Pars, le mois suivant le groupe chinois a suspendu sa participation. Lire : Could Iran’s eastern ambitions pave the way for future prosperity ?

Sinopec a effectué une marche-arrière similaire dans le projet pétrolier de Yadavaran. Les promesses de janvier 2019 d’un investissement de 2 Mds de $ ont été suivies d’un retrait chinois 3 mois plus tard.

En janvier 2019 un article du Global Times cité par l’Atlantic Council faisait le point, expliquant que « certaines compagnies chinoises quittaient l’Iran » quand d’autres restaient.

Il citait le démarrage en juillet d’une usine d’aluminium d’une capacité de 40 000 tonnes/an (lire : Iran opens first alumina plant in blow to US sanctions). En même temps, il faisait état du départ du constructeur automobile Lifan.

Le plan de 400 Mds de $ à 25 ans. Un leurre ?

A ces incertitudes, il faut rajouter la chimère des projets hyperboliques de 400 Mds de $ d’investissements chinois annoncés en septembre dernier par un article signé de Simon Watkins paru dans le Petroleum Economist.

Répartis en 280 Mds de $ consacrés aux hydrocarbures et 120 Mds dans les infrastructures, la somme dépasserait largement tous les investissements consentis par la Chine en Iran à ce jour et représenterait les 2/3 de ce que Pékin prévoit d’investir dans les projets des Nouvelles routes de la soie.

Supposés partis d’un plan à 25 ans conclu par Xi Jinping et Hassan Rouhani en 2016, assorti de la promesse irréaliste de porter le commerce bilatéral à 600 Mds de $ (alors qu’en août 2019, il était à peine de 2 Mds de $), trois ans après les promesses, les 400 Mds de $ promis semblent pour l’instant un leurre destiné à forger le mythe d’une proximité stratégique renforcée avec Téhéran.

S’il fallait la preuve qu’au moins une partie de l’appareil à Pékin entend ménager une distance avec Téhéran tout en gardant, en dépit des tensions actuelles, un œil sur Washington, il suffirait de se référer à la déclaration du porte parole du Waijiaobu, rappelé par Le Monde du 3 janvier 2019 dont la teneur était moins explicitement critique que celle du Ministre.

Au lieu d’accuser Washington d’avoir violé les lois internationales, Geng Shuang s’est contenté d’appeler les deux partis à la mesure pour éviter une escalade.

Wang Jin professeur à l’Institut d’études du Moyen-Orient à l’Université du Nord-Ouest de la Chine est tout aussi prudent : « Je ne sais pas si avoir tué le général Soleimani est une erreur, mais c’est un vrai défi. D’une part, sa mort va renforcer les conservateurs en Iran et d’autre part elle va rendre moins contrôlables certains chefs de milices chiites dans la région ».

Il ajoute « la Chine veut continuer à garder des liens officiels et commerciaux avec l’Iran sans être hostile aux États-Unis. On ne peut donc pas dire que la Chine soutienne l’Iran ».

On ne saurait mieux dire pour exprimer que, comme à son habitude, Pékin entend garder deux fers au feu.


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