Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Album

Pékin ce n’est pas de la tarte

Une troupe de curieux qui grossissait de seconde en seconde, faisait cercle autour d’eux tandis que de part et d’autre de l’accident deux longues files de voitures commençaient déjà à s’allonger dans un concert d’avertisseurs.

La dispute éclata soudain, charriant un flot de cris, de menaces, d’injures, sur le thème mille fois joué du retenez-moi-ou-je-vais-le-buter ! Chacun répétait sa partition à merveille, sans même se soucier des arguments de l’autre. Notre homme prenait la foule à témoin, expliquant comment la voiture lui avait barré la route... De son côté, le conducteur agonisait d’injures ces rustres qui ne faisaient pas de différence entre un chariot à détritus et une voiture à plus de cent mille dollars... Un policier débonnaire, surgi de nulle part, écoutait distraitement les doléances des uns et des autres, sans s’occuper le moins du monde de la fluidité du trafic.

L’auditoire jouissait en silence du spectacle, sous une neutralité de rigueur, se gardant bien de prendre parti... La femme était venue au secours de son mari et se déchaînait, renforçant l’intérêt de la foule pour ce remake du pot de terre contre le pot de fer. Histoire de compléter ce tableau idyllique, un taxi remontait en double file une des colonnes de véhicules immobilisés, menaçant de bloquer irrémédiablement la ruelle et de rendre encore plus inextricable la solution de ce conflit...

Le ton continuait de monter. Le policier, pourtant grassouillet, ne faisait plus qu’une mince tranche de viande, pris en sandwich entre les deux parties qui le pressaient, prêtes à en venir aux mains.

Un troisième homme sortit alors à moitié de la limousine. Ses sbires se figèrent dans une posture de respect qui entraîna immédiatement une trêve au conflit, faute de combattants. Il était assez jeune, à peine la quarantaine. Son regard se cachait sous une paire de Ray Ban aux reflets bleutés. Les lunettes conservaient une minuscule étiquette d’authenticité collée sur l’un des verres, tandis que le costume beige clair, taillé sur mesure, arborait sur la manche le nom d’un illustre couturier. Malgré la chaleur torride, une légère écharpe blanche le protégeait du froid de l’air conditionné.

Il aboya un ordre bref, pointant le tricycle d’une main alourdie d’une énorme chevalière et d’une imposante Rolex en or massif.

Le cycliste baissa la tête. La main qui le condamnait pesait déjà plus lourd que toute sa vie de labeur.

La plaisanterie était terminée. L’un des sbires repoussa sans ménagement le triporteur sur le côté de la ruelle, tandis que l’autre, d’un geste gratuit et rageur, éventra le sac de bidons en plastique qui se répandirent sur la chaussée. Je retins Mimille qui voulait absolument sortir pour leur filer un coup de boule... Ces gens n’avaient pas l’air commode et nous étions en mission...

Les trois hommes remontèrent dans leur véhicule, sous la mystérieuse protection de leurs vitres en verre fumé. La foule, toujours aussi silencieuse se dispersa lentement, lisse, neutre, sans le moindre sentiment apparent...

L’homme et la femme ramassèrent leurs biens dérisoires, réparant le fragile équilibre de leur attirail. L’homme ré-enfourcha son engin et pesant de tout poids sur son pédalier, redémarra lentement vers son destin. Sa colère était tombée. Son visage, impassible, grimaça au rythme de ses efforts. Sa femme suivait derrière, veillant sur un chargement un peu plus déstabilisé. Le tout-petit faisait de nouveau flotter ses papiers au vent, agrippé aux pans de la robe de sa mère.

Au dessus d’eux, dans un grand cadre, sur un panneau délavé et craquelant, Deng Xiaoping leur souriait...


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• Vos commentaires

Par ErLangShen Le 6/10/2006 à 18h46

> Pékin ce n’est pas de la tarte

Il y a des moments comme çà où on ne voudrait pas que çà s’arrête, surtout en pleine courante...
Peut-on savoir si l’auteur de ces lignes inénarrables est aujourd’hui (DuanWu 2006) dans ce beau pays ?

Site indiqué : http://www.questionchine.net/articl...

Par Lé Hèm Le 14/01/2007 à 14h12

> Pékin ce n’est pas de la tarte

Bonjour Monsieur Gedoie,

Si vous avez besoin d’un outil de recherche avancée *, technologie 1980, en complément de votre téléphone j’en tiens un à votre disposition ...
Je viens de me plonger dans la lecture de votre dernier roman.

Plus que l’intrigue policière, c’est les tranches de vie, les moments de vie qui m’interessent (cf « le vendeur de sang »). Aujourd’hui, je suis attirée par les « impressions de chine », vos regards sur la chine.

Merci de satisfaire ma curiosité :
le cerf à queue de vache ...est-ce une réalité encore de nos jours ?

Bref, j’arrête là...pour poursuivre ma lecture... car j’ai envie de poursuivre.

* je viens de retrouver le nom : « minitel »
.........disponible à STRASBOURG

Par Anonyme Le 9/02/2007 à 10h52

> Pékin ce n’est pas de la tarte

trés bien super je suis entousiasmer par votre solution de défense des hipopotames en vois de reproduction selon le théoreme du pandatisme mais je sais que cela n’aurais pas pu se passé ds une ville comme naintré

• À lire dans la même rubrique

La comédienne et réalisatrice Jia Ling, « star » des réseaux sociaux

Bataille idéologique et graffitis à Brick Lane

Le rêve chinois à la gloire de Messi

Wu, le policier à la retraite et le Sniper. Polars taïwanais chez Gallimard

C.C.Eyes only. Pour les Conseillers du Commerce Extérieur confinés à Shanghai. Chapitre VII