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Chapitre III
Tianjin voulait se donner une image de modernité et ces véhicules de pauvres dépareillaient et empêchaient de tourner en ronds et en oseille le temps précieux des grosses limousines et des voitures de luxe qui ne demandaient qu’à pouvoir continuer leur trafic lucratif, sans être tout le temps gênées par des misérables pédaleurs qui leur gâchaient leur plaisir... L’importun récalcitrant fut promptement embarqué et son engin jeté dans la benne d’un camion prévu à cet effet, sous les regards apparemment impassibles de quelques chalands... On ne badinait pas avec les édits de la mairie ni avec le passage d’un hôte étranger. Il en allait ainsi de la Chine moderne ; elle avait retrouvé ses allures impériales et n’hésitait plus à écraser ses roturiers pour faire la place à ses riches visiteurs et à ses nouveaux nobles...
Encore une fois, c’était bien plus de peur que de mal mais ce n’était toujours pas une raison pour relâcher la garde...
Weng, qui était, lui aussi venu aux nouvelles me tapota sur l’épaule...
- Tu veux en griller une ?
Il savait pertinemment que j’avais arrêté de fumer depuis dix ans mais n’avait pas perdu espoir de me faire replonger...
- T’as déjà vu un cancer du poumon ? Lui avais-je demandé un jour.
- Et toi ? T’as déjà vu un hospice de vieux en Chine ? M’avait-il répondu...
Un partout... Balle au centre... Je ne l’avais plus embêté avec ses cigarettes...
Il n’eut même pas le temps de la finir. Le cortège de VGE revenait sirènes hurlantes. Les sbires de Weng avaient réinvesti le porche de l’hôtel, et la présence de leur patron à mes côtés ne les dissuadait pas de lorgner avec suspicion mon badge doré qui indiquait pourtant mon appartenance aux forces de sécurité... La forme de mon badge précisait même que j’avais l’autorisation d’un port d’arme. Mais nous avions affaire à des adversaires anonymes, agissant dans l’ombre, et la méfiance et la défiance restaient de mise : un badge pouvait facilement s’imiter ou s’usurper et l’on devait soupçonner un tart-uff dans tout quidam passant à proximité...
- La table ronde se termine. Tout le monde sur le pont. C’est le moment de se montrer plus que vigilant ! Delamarne, y a du grabuge à la porte ? Tu as récupéré VGE, l’ambassadeur et toute la clique ? La douce voix du Général avait la douceur d’une miette de pain qui tombe dans un orchestre de mouettes...
- Situation sous contrôle. Je ne vois plus vraiment l’ambassadeur mais je vois encore la tête de VGE au milieu de huit gardes du corps... Nous devrions arriver dans la salle de banquet dans moins d’une minute...
Le grand Ballroom, transformé en salle de buffet, grouillait de monde. L’assemblée présente était constituée aux deux tiers par les Chinois invités et à un tiers par l’imposante délégation française venue soutenir son ancien Président ; la troisième moitié par les officiers de sécurité...